Chapitre 53

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Alyssia

Il a subi tant de choses. Je me sens ridicule de m'en être pris à lui comme je l'ai fait. Je me trouve sans-cœur, inhumaine. Je n'ai pas su accepter qu'il ait vécu des moments durs. Des moments dont il ne souhaite pas parler à qui veut savoir.

Je ressens une grande peine. Ce n'est pas de la pitié, juste une infini tristesse, de ne pas avoir été à l'écoute et patiente quand il le fallait.

Son visage traduit les regrets, la résignation, l'incompréhension. Je n'arrive pas à saisir la petite lueur, cachée derrière ces émotions. Est-ce de l'espoir ?

Il semble chercher à pénétrer dans ma tête pour se saisir de mes pensées. Il ne paraît pas comprendre mes sentiments après cette révélation.

Pourtant je n'ai plus de doute. Son passé ne fait que renforcer l'image que je me suis faite de lui. Un homme fort, qui avance malgré les obstacles. Un homme qui renonce une fois – ou bien cent fois – pour mieux se relever après. Un homme qui mérite d'être aimé, pour ses qualités comme pour ses défauts.

Je sens mon cœur s'emballer alors que cette vérité me saute aux yeux. Néanmoins, je ne suis pas certaine que ce soit le bon moment pour nous deux d'être ensemble.

Je me suis faite agressée, puis j'ai eu un accident. Victoire vient de mourir. J'ai une absence de relation avec mes parents qui me rend indépendante. Il vient de me révéler ce qui nous a – plus ou moins – fait rompre.

Parfois l'amour ne suffit pas à faire un couple. Le bonheur doit venir avant tout de nous. Si nous ne pouvons pas être heureux, nous ne le serons pas réellement auprès de quelqu'un d'autre.

Quand suis-je devenue si sage ?

Est-ce qu'il est temps pour moi de partir ou est-ce que ma présence le rassure ? J'aimerais lui faire réaliser que si je m'en vais maintenant ça ne signifie pas que je l'abandonne.

Je me concentre sur un fil qui sort de la couture du canapé et le triture, le temps de formuler une phrase convenable.

- Mattew, je ne pensais pas dire ça un jour, mais tu m'es tombé dessus au moment où je ne m'y attendais pas. J'avoue que cette phrase peut paraître un peu ridicule, et carrément clichée. Pourtant je ne croyais pas en l'amour avant toi.

Je n'ai même pas réussi à lui dire ça sans me disperser.

Je me sens comme une idiote devant ses yeux qui me scrute à la recherche d'une faille.

- Tu crois encore que ce n'est pas réel ? Que je vais m'enfuir et te laisser ici comme un moins-que-rien ?

- Pourquoi ne le ferais-tu pas ? décroche-t-il enfin un mot.

- Parce que c'est ton passé. C'est ce qui a fait que tu es le Mattew d'aujourd'hui. Ton avenir n'a rien à voir avec le passé. Il sera ce que tu décideras d'en faire, en te basant sur ce que tu as déjà fait.

Je crois que je deviens philosophe en vieillissant. Mattew s'en rend d'ailleurs compte, au vu de ses sourcils froncés.

- La Alyssia que j'ai rencontré en septembre a disparu. Tu n'es plus la même.

- Laquelle préfères-tu ? demandé-je incertaine.

Est-il possible qu'il me trouve trop pompeuse ? Je ne sais pas comment je pourrais réagir s'il n'apprécie pas mon évolution. Je ne lui sauterai pas à la gorge c'est certain, car je suis capable d'accepter son choix. Je partirai vider mon corps de toutes mes larmes. Non, je suis au-dessus de ça dorénavant.

- Les deux me plaisent, répond-t-il enfin avec un peu trop de douceur à mon goût. Néanmoins la nouvelle version de toi-même est assurément plus confiante et sexy.

- Tu es en train de me dire que tu aimes deux filles, mais que tu as une préférence pour la plus attirante ? le provoqué-je en haussant les sourcils.

- Non je dis seulement que je t'aime et que maintenant que tu es plus mature, je t'aime davantage encore.

Mon visage se fend d'un sourire sincère, heureux. Je hoche silencieusement la tête pour l'approuver. Parfois les mots n'ont pas assez de sens.

Je relâche le fil du canapé que je torture depuis tout à l'heure. Je redresse la tête d'un même mouvement et plonge mes yeux dans ceux de Mattew.

- Je pense toujours que l'on devrait se donner du temps, je reprends finalement. C'est impossible pour nous d'être ensemble de manière posée pour l'instant.

- Je sais.

Il ferme les yeux un instant, se pressant l'arête du nez comme s'il souffrait d'une migraine. Je remue légèrement dans le canapé, mal à l'aise.

Soudain la porte d'entrée s'ouvre en grand, laissant apparaître un Henzo essoufflé. Ce dernier s'accroche désespérément à la poignée et nous regarde ébahi.

Sauvée par le meilleur ami.

- Je vous dérange ?

- C'est bizarre, je suis persuadé de t'avoir ex.pli.ci.te.ment dit de ne pas venir me déranger cet après-midi parce que je serai avec Alyssia, intervient Mattew en essayant de rester calme.

Je crois surtout que s'il continue à serrer les dents de cette manière, il va se les enfoncer. Je regarde son meilleur ami avec une mine contrite, qui est censée lui signifier qu'il n'est pas arrivé au meilleur moment.

- Oh ça va, c'est aussi mon amie ! J'ai autant le droit que toi d'avoir de ses nouvelles, se met-il à bouder.

- Ça va Henzo, je vais bien.

Je lui souris et il consent à lâcher la porte.

- Mouais. Pourquoi est-ce qu'il tire une tête de dix pieds de long ?

- Pour...

- Parce que tu as le chic de te pointer toujours au bon moment, me coupe Mattew.

- Est-ce de l'ironie que je sens dans ta voix ?

J'ai envie de prévenir Henzo de ne pas trop forcer aujourd'hui, mais le regard que mon professeur lui lance a le mérite de m'ôter les mots de la bouche.

- Ok, tu n'es pas d'humeur, j'ai compris.

Il se dirige alors vers le frigo sous nos yeux inquisiteurs et boit du jus d'orange à même la brique. Elégant.

- Je vais vous laisser, lancé-je aux garçons.

- C'est la deuxième fois que tu pars alors que je rapplique, constate Henzo. J'espère que ce n'est pas ma faute, ne vas pas croire que je te chasse.

- Ça ne risque pas d'arriver puisque c'est chez moi, bougonne notre hôte.

- Nullement, répliqué-je à mon tour.

Je me lève pour lui faire une accolade, bien qu'il n'a pas l'air réellement inquiet de la raison de mon départ. Quel comédien. Au moment de refermer la porte, je me tourne vers Mattew.

- Si tu as un problème, surtout n'hésites pas à m'appeler.

- Je te renvoie la proposition.

- Et moi tout le monde s'en fiche ?

- Toi aussi Henzo, rigolé-je avant de refermer la porte.

Je ne donne pas cher de la peau de mon ami, mais sa présence nous a permis de nous détendre après nos émotions. Du moins, c'est le cas pour moi. En revanche, je ne suis pas certaine de la joie de Mattew de voir son meilleur ami débarquer. Je ne me rappelle pas une fois où je l'ai vu sourire à la vue d'Henzo d'ailleurs.

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Et voilà, j'espère que ce chapitre vous a plu ! Vous êtes content.e.s de ce qu'il s'est passé ? N'hésitez pas à me le dire pour me soutenir !

Apprends-moi à t'aimer [premier jet]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant