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Le trajet retour sembla durer une éternité, à Arya. Elle avait les jambes en feu et les fesses douloureuses. Elle ne posa aucune question, durant la traversée, plongée dans ses inquiétudes. Comment allait-elle faire pour retrouver Marie ? Devait-elle partir en escapade, seule, dans l'après-midi ? Elle ne pouvait pas baisser les bras. Une fois dans la cour du manoir, Chloé courut à leur rencontre.

- Alors ?

Arya se laissa tomber du cheval, déçue. Elle ne pouvait cacher sa peine.

- Rien du tout... Soupira-t-elle.

- Oh... Je suis désolée. Je suis sûre que nous allons la retrouver. Je vais te préparer un chocolat chaud, pour te remonter le moral – Elle se tourna vers Alexandre – Monsieur, votre rendez-vous est arrivé et vous attend, dans le petit salon.

- Très bien. Dites-lui d'attendre, je vais arriver. Emmener le chocolat à Arya, dans la grande salle.

Chloé sourit et partit en cuisine. Le comte caressa son cheval et fit signe à Arya de le suivre, à l'intérieur.

- Votre manteau ? Lui demanda-t-il.

Arya secoua la tête, comme si elle revenait d'un autre monde. Elle se toucha les épaules, par réflexe.

- Oh non ! J'ai dû l'oublier, chez votre ami...

- J'enverrai quelqu'un le chercher. Si vous voulez bien me suivre, maintenant, j'ai quelque chose à vous montrer.

- Il n'est pas vraiment votre ami, n'est-ce pas ? Demanda Arya, pensant à William et à la rencontre des deux hommes.

- C'est mon principal concurrent. Nos relations ne sont donc pas au beau fixe.

- Je comprends.

Alexandre s'arrêta, face à une grande porte. Arya n'avait jamais été amené dans cette partie du manoir ou, du moins, ne s'en souvenait-elle pas. Ce qui était possible, au vu de son sens de l'orientation et de la grandeur des lieux.

- Je veux que cette pièce soit la vôtre. Que vous vous y sentiez comme chez vous. Trop peu de personne s'y intéresse alors qu'elle réserve beaucoup de surprise.

- Vous me mettez beaucoup trop de pression...

- Je pense que cela va vous remonter, un tant soit peu, le moral.

Il ouvrit la porte et la lumière des grandes baies vitrées, leur faisant face, éblouirent Arya. Elle avança, subjugué par l'endroit. Elle était au paradis, entourée d'une immense bibliothèque qui lui rappelait celle de La Belle et la Bête. Un endroit dont elle avait toujours rêvé. De grandes étagères remplies de livre couvraient les murs. D'immenses rideaux, de velours rouge, étaient pendus aux fenêtres. Une échelle, pour attraper les livres, les plus en hauteur, était déjà installée. Des escaliers se trouvaient de chaque côté de la pièce afin de permettre l'accès à d'autres livres.

- Nom de Dieu !

Elle se précipita, sous le regard amusé de son hôte, vers des étagères afin d'y dévoiler les trésors.

- Shakespeare ! Molière ! Dumas !!!!! Le comte de Monte Cristo ! Mon préféré !!! S'exclama-t-elle.

Arya se tourna vers Alexandre, un grand sourire aux lèvres. Elle fit fi des convenances et se précipita, contre lui, émue de sa gentillesse. Le comte, surprit de cet élan de tendresse, resta un instant, sans bouger, avant de refermer ses bras, autour d'elle. Il sentait qu'elle avait besoin d'être soutenue.

- Merci ! Cet endroit est magnifique !

- C'est le vôtre, désormais.

Arya se détacha de son interlocuteur, se rendant compte de la situation gênante, dont elle était la responsable. Elle n'était pas dans son siècle et ne souhaitait pas que l'on se méprenne sur son attitude. Chloé fit son entrée, curieuse de connaître la réaction de son amie. Elle avança, doucement, ne souhaitant pas gâcher la découverte.

- Alors ?

- Je pense que cela lui a plu. Je vais à mon rendez-vous. J'espère que cela a pu vous faire oublier, pendant quelques minutes, la situation. Je vais demander à mes hommes de continuer leur recherche.

- Ce n'est pas la peine, Monsieur. Les écuyers sont déjà repartis. Ils ne veulent pas abandonner avant d'avoir eu, au moins, une information.

Arya était touchée de ces preuves d'acceptations et de gentillesse, par les habitants de la demeure. Cela faisait qu'un peu plus de vingt-quatre heures qu'elle était ici et ils la traitaient comme une des leurs. Elle salua de la main Alexandre et posa le chocolat chaud, que Chloé lui tendit, sur une table.

- Est-ce que vous avez des coussins, dont vous ne vous servez pas ? Demanda-t-elle.

- Il n'y a que de ça. Le manoir possède pleins de chambres, inutilisées.

- Dans ce cas, nous allons nous faire un coin lecture cosy ! Tu me montres les chambres ?

Chloé et Arya passèrent le reste de la matinée à rassembler les coussins, pour les entasser sous les baies vitrées. Les allers-retours et le relâchement de la pression fatiguèrent Arya. Le manque de sommeil ne l'aida pas à tenir. Alors que Chloé était appelée, par sa mère, pour préparer un gâteau, Arya se posa, accompagnée d'un livre. Le calme lui fit le plus grand bien. Elle prit conscience, en regardant le paysage au dehors que, mis à part Marie, rien ne lui manquait de sa vie, dans le futur. Elle se plaisait même, beaucoup, au sein du manoir. Arya se ressaisit bien rapidement. La situation ne pourrait pas durer éternellement. Beaucoup de personnes parlaient du mariage du comte Griffind. Elle ne pourrait donc pas rester, à jamais, dans cette demeure. Malgré tout, elle allait pouvoir en profiter pendant quelque temps et cette perspective l'enchantait. Arya se laissa, petit à petit, tomber dans le sommeil, pensant à tout ce qu'elle avait encore à découvrir de ce monde.

Alexandre termina son dernier entretien, après deux heures de conversation, et raccompagna son client, à la porte. Il adressa un signe à Miss Triguane, quand elle sortit de la cuisine.

- Préparez un repas pour deux, s'il vous plaît.

- Votre client reste manger ?

- Non. Pour Arya et moi.

L'intendante sourit, heureuse de pouvoir retourner en cuisine pour annoncer la nouvelle. Alors que le comte mangeait, souvent, rapidement pour retourner à ses affaires, depuis l'arrivée d'Arya, il prenait le temps de se poser. Chloé, qui avait laissé sa curiosité l'emportée, fit un signe à son patron.

- Je ne suis pas sûre qu'elle soit en état de manger.

- Pourquoi cela ?

- Allez voir dans la bibliothèque.

Le comte acquiesça et partit chercher son invitée. Il toqua, une première fois, et, n'ayant aucune réponse, essaya une seconde fois. Il se décida à entrer et découvrit Arya, couchée sur les coussins, profondément endormie. Il sourit et sortit de la pièce, pour y revenir avec un drap. Il s'approcha, doucement, évitant de faire craquer le parquet. Il s'accroupit et couvrit l'endormie. Il ferma les rideaux et laissa un chandelier, allumé, sur une des tables de la bibliothèque. Il observa, un instant, Arya. Il n'avait de cesse de se poser des questions sur elle et sa vie passée. Bien qu'il souhaitât l'aider dans la recherche de son amie, Alexandre ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui allait se passer, si les retrouvailles avaient lieu. Retourneraient-elles en France ? Arya était évasive au sujet de leur voyage et il avait rapidement compris qu'elle n'aimait pas parler de sa famille. Il prit conscience qu'il espérait, secrètement, que ces retrouvailles ne sonneraient pas son départ. Elle n'était pas là depuis deux jours que le manoir n'avait jamais été aussi vivant. Sa routine avait été brisée et leur rythme de vie totalement chamboulé.

1850 [terminé}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant