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Elle galopa, pendant plusieurs minutes, pour atteindre le manoir de Christophe. Elle déposa Zorro, à l'écurie, alors que Vaillant se couchait, sur un tas de foin. Arya toqua à la porte, plusieurs fois, avant qu'un domestique, à moitié endormi, ne vienne lui ouvrir. Elle paraissait hystérique et n'arrivait pas à aligner deux mots. L'employé de maison, impuissant, alla réveiller Marie. La future mariée apparut, essoufflée, les cheveux en bataille. Arya lâcha prise dès qu'elle la vit. Sa colocataire se précipita, à ses côtés.

- Oh Arya...

Elles se laissèrent tomber, sur le tapis de l'entrée. Christophe sortit de sa chambre, alerté par les bruits de pas. Marie lui fit signe de faire le nécessaire. Leur amie ne retournerait pas chez Alexandre. Le comte Grisson ordonna à ce qu'on prépare une chambre, pour Arya, où Marie la conduisit. Il les suivit, le cœur en peine de découvrir son amie, aussi fragile et en peine.

- Je... Je n'y retournerai pas... C'est trop dur... Il est si... Si différent... Sanglota Arya.

- Oh ma chérie... Tout ira bien. Tu peux rester, ici, autant que tu le souhaites...

- Tu sais... Je pensai qu'après... Qu'après Mathéo, j'étais totalement protégée de la douleur mais... Cette fois, c'est pire... Oh Marie, je l'aime tellement... Bien plus que tout ceux que j'ai pu aimer, auparavant.

- Je sais...

Marie lança un regard désespéré à son futur époux. Christophe sortit de la chambre, furieux de ce qu'il venait d'entendre et de la détresse de son amie. Il partit chercher son cheval et prit la direction du manoir d'Alexandre, bien décidé à avoir une discussion avec son ami. Il le croisa, sur le chemin, livide.

- Christophe ! As-tu vu Arya ? Elle est partie comme une furie... Elle est seule et n'a rien sur le dos...

- Elle est chez nous... Mais, qu'as-tu fait Alexandre ?

Le comte pesta et secoua la tête. Il ne s'était lui-même pas reconnu. Il ferma les yeux pour essayer d'organiser ses pensées.

- Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Ma mère...

- Alexandre... Il faut vraiment que tu te détaches de ta mère ! Elle ne peut pas dicter ta vie !

- Comment va-t-elle ? Demanda le comte.

- A ton avis ? Elle est dévastée... Elle t'aime, tu sais. Sincèrement. Tu n'auras plus jamais la chance d'avoir une telle femme, à tes côtés...

Alexandre se reçut la remarque, en plein cœur. Il savait qu'il avait été beaucoup trop dur avec Arya, dans l'écurie. La jalousie, qu'il avait contenue toute la soirée, et les propos de sa mère lui avaient fait dépasser les bornes. Il sembla hésiter, avant de poser la question.

- Puis-je la voir ?

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée... Pas ce soir, en tout cas. Elle a besoin de repos. Je suis désolé.

- Non... Je comprends... Je l'ai bien mérité.

Christophe observa son ami, pendant quelques secondes. Il le trouvait renfermé, depuis plusieurs jours, maintenant. Il savait que le mariage avec Émilie le tracassait, énormément, mais ne comprenait pas ses décisions. Il se maintenait dans son malheur et n'essayait pas d'en sortir.

- L'aimes-tu ?

- Chris...

- L'aimes-tu, Alex ?

Le comte soupira et regarda autour de lui. Il était à la recherche d'une excuse pour ne pas avoir à répondre à la question. Il savait que s'il l'avouait, tout haut, la douleur allait se faire encore plus forte. Devant l'air déterminé de Christophe, il se dévoila.

- Comme je n'ai jamais aimé personne. Certainement plus que ma propre vie...

- Alors pourquoi ? Pourquoi ne pas l'épouser, elle ?

- Une histoire entre mes parents et ceux d'Émilie. J'ai un couteau sous la gorge. Si je ne l'épouse pas, mon père ne s'en remettra sûrement pas.

- Alexandre, ce sont leurs erreurs et non les tiennes. Tu n'as pas à payer pour eux.

- Dis à Arya que je suis désolée... Je t'en supplie...

Christophe acquiesça et fit demi-tour. Alexandre le regarda s'éloigner, le cœur lourd du départ d'Arya. Jamais il ne c'était imaginé la voir partir. Lui-même avait commencé à penser que son manoir n'était plus le sien, mais le leur. Tout en rentrant chez lui, il repensa aux dernières paroles de sa protégée. Pour la première fois, depuis leur rencontre, elle c'était ouverte à lui et lui avait offert son cœur et son amour. Alexandre avait juste réussi à le piétiner. Il se retint de ne pas verser une larme, la tristesse s'insinuant dans toute son âme.Il était condamné.

1850 [terminé}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant