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Elle se laissa tomber, sur les coussins, installés sous les grandes fenêtres. La situation devenait plus complexe. Elle ressentait de moins en moins le besoin de rentrer dans son époque. Rien ne lui manquait et les arguments de Marie faisaient de plus en plus mouche. Tant qu'elles étaient toutes les deux, l'époque leur importait peu. La porte de la bibliothèque s'ouvrit, doucement. Elle se tourna pour découvrir Alexandre. Il lui sourit mais resta sur le pas de la porte.

- Puis-je ?

- Bien sûr, c'est chez vous... Venez, le temps est clair et magnifique. Je ne me lasse pas de ces paysages. Je crois que cela me manquera.

- Pourquoi est-ce que cela devrait vous manquer ? Lui demanda-t-il.

- Je ne pourrai pas rester, éternellement, ici.

- Et pourquoi ?

Arya se tourna vers lui, perplexe. Il ne semblait pas prendre conscience de leur situation, plus qu'étrange pour cette époque.

- Parce que, vous allez commencer une nouvelle vie, avec Mademoiselle De Jolie. Cela fera un peu désordre si je reste au sein de votre demeure et je ne suis pas certaine que votre future femme accepte cela.

- Nous n'en sommes pas encore là...

Alexandre regarda autour de lui. Arya c'était aménagée une véritable tanière et il était heureux de la voir prendre possession de ce lieu.

- La bibliothèque vous plaît-elle ?

- Elle est magnifique. Je pourrai y passer tout mon temps et, en le disant, je me rends compte que je le fais déjà... C'est une mine au trésor.

- Je dois avouer qu'elle n'a jamais été autant utilisée.

Arya sourit et posa le livre qu'elle tenait, à côté des coussins. Elle se tourna vers le comte. Elle n'arrivait toujours pas à comprendre son célibat. Désormais, elle s'estimait assez proche de lui pour lui poser la question.

- Pourquoi êtes-vous seul ?

Alexandre ne se montra pas offusqué.

- Comment ça ?

- Vous êtes un gentleman. Vous avez une bonne éducation et une situation plus qu'avantageuse. Pourquoi êtes-vous seul ? Aucune femme ne doit vous résister.

- Je n'ai jamais trouvé une personne qui me corresponde, totalement. Je ne veux pas d'une femme avec trop de manière et qui ne s'intéresse pas vraiment à moi.

- C'est à dire ? Rebondit Arya.

- Je souhaite une personne qui me voit tel que je suis et non à travers ma situation. Malheureusement, à notre époque, il n'existe que très peu d'individus avec cette morale. Mais mes parents souhaitent que la lignée perdure. Ne me trouvant personne, ils m'en ont trouvé une.

Arya trouva le discours d'Alexandre plus que pessimiste. Il ne croyait plus à une potentielle romance et à un mariage d'amour.

- Et cela ne vous dérange pas ?

- J'ai certains devoirs, en tant que fils unique. Et la continuité de la lignée en est un. Elle fera sa vie et moi, la mienne.

- Ce n'est pas réjouissant, comme projet...

Alexandre haussa les épaules, fataliste. Il n'aimait pas s'étendre sur ce sujet et encore moins avec Arya. Il regarda par la fenêtre et pensa à sa vie future. A ce jour, il n'arrivait pas à se l'imaginer. Il reprit la parole.

- Et vous ? Personne ne vous attend ?

- Plus personne. J'avais rencontré quelqu'un mais il m'a laissé à un moment compliqué de ma vie.

- Marie m'a raconté.

Arya le regarda, silencieuse, un instant. Elle aurait dû se douter que Marie allait parler de son passé. Son amie sortait toujours cette carte lorsqu'elle expliquait les raisons de son caractère. Elle reporta son attention sur le paysage extérieur et sourit, tristement.

- Je ne voulais pas vous faire de mal. Intervint Alexandre qui, pour la première fois, pouvait lire de la tristesse dans le regard de sa protégée.

- Non, ce n'est rien. Cela fait maintenant un an et demi, le deuil est finalisé.

- Je suis navré.

- Ce n'est pas un problème. J'ai encore du mal à en parler, de moi-même. Nous étions très proches. Il y avait souvent des disputes mais cela ne durait pas bien longtemps. On se soutenait les uns et autres. Je me suis sentie tellement seule, à leurs morts... Comme abandonnée. J'en venais à m'en vouloir d'être toujours en vie.

- Avez-vous été épaulé dans cette douleur ?

- Marie était présente et mes grands-parents ont essayé de me soulager mais leur tristesse était trop grande.

Arya repensa à Mathéo et à leur histoire. Même après un an, elle ne comprenait pas l'attitude de son ex compagnon.

- J'avais un fiancé, à cette époque. Il n'a pas compris mon état et n'arrivait plus à vivre, avec moi. Il est parti, avec une autre.

- Quel gentilhomme...

Arya sourit de la remarque et acquiesça.

- Tout ceci est du passé. Maintenant, je ne fais confiance qu'à moi-même. J'évite ainsi les déceptions.

Alexandre haussa les épaules. Il laissa passer un silence et relança la conversation, des questions plein la tête.

- N'avez-vous pas confiance en moi ?

- C'est compliqué. Je sais que vous êtes digne de confiance mais je... Il me faut du temps...

- Dans ce cas, je tiens à vous faire une promesse.

Le comte Griffind saisit les mains d'Arya et plongea son regard, dans celui de son interlocutrice. Elle parut surprise. Ils étaient habitués à certains contacts physiques, spontanés, mais le sérieux d'Alexandre la prit au dépourvu.

- Jamais je ne trahirai votre confiance ou vous abandonnerai... Je vous le promets, Arya.

- Nous verrons bien ce que l'avenir nous réserve... Mais, je retiens votre promesse et si vous ne la respectez pas, sachez que je vous botterai les fesses.

Le comte sourit de la remarque. Il commençait à s'habituer aux remarques de son amie. Il déposa un baiser sur les mains d'Arya et lui adressa un clin d'œil, complice.

- Je vous prierai d'éviter ce genre d'expression, lorsque nous serons à Londres.

- Promis, je ne les garde que pour vous.

- Je suis honoré pas tant de gratitude.

1850 [terminé}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant