1850 [terminé}

15

Arya s'installa sur son lit et observa Chloé, attelée à tourner le tissu dans tous les sens. Elle sourit face à tant d'enthousiasme. La couturière sortit une feuille et une plume, puis fit signe à son amie.

- Tu es prête à relever le défi, en deux jours ? Demanda Arya.

- Elle sera faite, en temps et en heure. Alors, que souhaites-tu ?

- Je veux quelque chose de...

- Simple et discret. Compléta Chloé en rigolant.

- Tu as tout compris !

- Est-ce que tu veux des nœuds, sur ta tenue ?

- Non, surtout pas... Je ne veux pas être rembourrée de partout.

- Ce n'est pas être rembourrée... c'est pour mettre en valeur les formes. Argumenta Chloé.

- Oui mais mes formes sont assez prononcées comme ça. Je ne veux pas du trop volumineux.

- Très bien, c'est toi qui décides. Des manches ?

- Oui, mais pas de manches longues. J'aimerai des manches tombantes comme ça !

Arya saisit la plume et dessina les manches. L'esquisse commençait à prendre forme et plaisait de plus en plus à sa propriétaire. Finalement, elle allait peut-être s'amuser, à cette réception. Elles peaufinèrent certains détails et Chloé quitta la chambre, avec le tissu, pour se mettre au travail.

Arya, désormais seule, se décida à descendre pour rejoindre les écuries et Zorro. Elle le brossa avant de l'équiper et de le monter. Il était de plus en plus à l'écoute de ses ordres. Arya savait qu'elle devait pratiquer, chaque jour, pour continuer à s'améliorer. Elle se précipita donc dans les landes sauvages. Elle avait pris goût à ses balades, avec son cheval. Certaines fois, Alexandre l'accompagnait, lui faisant découvrir des coins plus merveilleux les uns que les autres. Lors d'une de ses excursions, elle avait découvert un coin calme, près d'une rivière, où elle pouvait lire sans être dérangée. Elle laissa Zorro vagabonder autour d'elle. Arya n'avait pas besoin de l'attacher, il lui était fidèle. Elle sortit le livre « Jane Eyre », de son sac. Elle sourit en constatant que l'œuvre n'était pas encore au nom de Brontë mais de Currer Bell. Il allait falloir encore quelques années avant que les femmes aient toute leur place dans la littérature. Elle s'assit au pied de l'arbre et commença sa lecture, plongeant dans un univers qu'elle connaissait, désormais, que trop bien. Néanmoins, après plusieurs minutes de tranquillité, un bruit attira l'attention d'Arya. Elle baissa son livre et observa aux alentours. Un buisson remua, face à elle, de l'autre côté de la rivière. Elle se redressa, prête à bondir sur Zorro. Au moment où elle allait monter, sur son cheval, une petite truffe apparut, à travers les branches. Un chiot sortit des feuillages. Arya l'observa, avec un peu plus d'attention, et prit conscience qu'il était attaché. L'animal essayait de se libérer, ne cessant de pleurer. Elle pesta. Il était hors de question qu'elle le laisse seul. La lectrice remonta sa robe, au niveau des genoux, et enleva ses chaussures. Elle claqua sa langue, sur son palais, pour attirer l'attention de l'animal, sur elle.

- N'aie pas peur petit père... J'arrive.

Arya mit le pied dans l'eau froide. Elle fit une grimace et plongea le second, dans la rivière.

- Nom de Dieu... C'est gelé...

Elle avança, petit à petit, faisant attention à l'endroit où elle plaçait ses pieds. Le chiot l'observa, quelques secondes, avant de se débattre à nouveau.

- Pépère, tu vas te blesser. J'arrive...

Arya accéléra le pas et se concentra moins sur ce qu'elle fit et ce qui devait arriver, arriva. Elle trébucha, sur un caillou, et tomba dans l'eau. Le froid s'infiltra dans ses vêtements. Elle ressentit une vive douleur, au niveau de son genou et de sa main. Malgré le sang qui se mêlait à l'eau, elle se redressa. Le chiot arrêta de bouger et essaya de s'approcher de sa sauveuse. Arya arriva à atteindre la rive à l'aide de racines. Elle tendit la main vers l'animal. Le chiot la renifla avant de lui donner un coup de museau. Arya lui enleva la corde, d'autour du cou, et l'attrapa. Elle le plaça, contre elle, pour traverser le cours d'eau. Le chiot se laissa faire. Il ne bougeait plus, comme rassuré. Il était squelettique. Arya atteignit la rive et attrapa son livre, avant de rejoindre Zorro, toujours au même endroit. Elle lui donna un coup de talon, une fois en place.