Chp 13 - Fassa : l'occasion manquée

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J'avais tout avoué à Lev. Enfin, tout... peut-être pas tout. Je ne lui avais pas parlé de la dysmorphophobie qui m'accablait, et du fait que je serai probablement incapable de me montrer nue devant lui. Le fait que son physique à lui puisse faire office de pub pour la Gold's Gym ne faisait qu'aggraver mes complexes. Quand je me regardais dans le miroir, je voyais encore la fille bien en chair qui avait été élue « reine des vaches » par les garçons du collège. Même en perdant du poids au sortir de l'adolescence, je n'avais jamais pu me défaire de cet encombrant costume. Avant de rencontrer la bande de musiciens qui étaient devenus mes amis, j'avais une estime de moi-même proche de 0, surtout dans le regard des hommes. C'était cette bande d'amis qui m'avaient réconcilié avec le sexe opposé : ils avaient les premiers à me dire que j'étais belle. Mais il s'agissait de mes amis... dans la bouche de Lev, ce mot avait un sens différent. Et malgré tout, ça ne suffisait pas à me faire oublier que je n'étais plus cette « reine des vaches » qui restait sur le carreau lors des fêtes, quand toutes les filles « sortaient » avec des garçons sur la piste de dance. Quelqu'un m'avait choisi. Et pas n'importe qui : un milliardaire, beau comme un dieu, gentil, protecteur, respectueux et attentionné. S'il y en avait un à qui j'avais envie d'offrir mon corps, c'était lui.

J'en avais marre de traîner ma virginité à plus de vingt-quatre ans comme un fardeau. Je trouvais que ça ne correspondait pas à ma personnalité, et puis, j'avais envie de coucher avec lui. Du moins, c'est ce que je croyais, car il y a une grande différence entre la vie sexuelle personnelle et intérieure, celle qui se déroule dans la quiétude et la sécurité de son lit-cocon, et celle que l'on partage en vrai avec un homme en chair et en os.

Mon expérience de la chose se limitait aux scènes d'amour dans les films et aux romans de vampires de Tanith Lee, avec leur scène de sexe obligatoire de six pages au milieu du bouquin. Je n'avais qu'une vague idée de ce à quoi peut ressembler un homme nu. Surtout, j'ignorais comment amener le sujet sans paraître lourdingue ou offensive. J'avais également très peur de ne pas être à la hauteur : Gudrun me disait souvent qu'avec la démocratisation du porno et les sites de rencontre en ligne, les hommes étaient devenus plus exigeants. Sans compter que Lev avait dû fréquenter tout un tas de mannequins, escorts et autres professionnelles... Quel genre d'amant était-il ? Il était peut-être accro aux films X, comme beaucoup de mecs ici. N'allait-il pas être déçu en réalisant que je ne pourrais jamais lui donner ce qu'il voulait ? Bien sûr, Lev était un homme surprenant, qui défiait tous les pronostics. La façon dont il avait réagi lorsque je lui avais avoué ma virginité... son visage n'avait pas changé d'un iota. Il était resté le même, chaleureux et détendu, avec ce regard calme comme un lac de montagne.

Je vais le faire, me répétai-je tous les matins en me levant. Je vais le lui dire aujourd'hui.

Quelque chose dans ma tête me disait qu'il fallait que je me décide vite, avant qu'il soit trop tard. Trop tard pour quoi ? Je l'ignorai, mais je ressentais cette urgence au fond de moi. Lev était très sollicité : il voyageait dans le monde entier, se rendait dans des soirées. Si je ne passais pas à la vitesse supérieure avec lui... J'allais le perdre. Cela, j'en étais persuadée.

*

L'occasion se présenta un soir, alors que nous passions une soirée télé chez lui. À la fin du film, Lev proposa de me raccompagner, comme il le faisait à chaque fois.

— Il est tard, lui-dis-je en relevant les yeux vers lui, me mordant la lèvre violemment pour ne pas rougir. Je vais rester dormir ici.

Mais Lev insista :

— Tu es sûre ? Je peux te raccompagner.

— Oui, répondis-je, j'ai la flemme de rentrer. Je suis bien ici.

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