Journal d'Erik Stormqvist 9 : la colère d'Ulfasso (1)

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(Attention, passage très violent. Même moi j'ai dû mal à le relire !)

***

Quelques mois plus tard, Irina était intégrée parmi les hommes comme si elle avait toujours fait partie de la troupe et personne n'aurait jamais osé lever la main sur elle. C'était la protégée d'Ulfasso, tout le monde le savait. Du reste, elle remplit bien sa part de contrat, ramenant plus que le nombre de tête demandées. Elle s'attira le respect de tous, acquérant un statut un peu à part : c'était une sorte de sainte intouchable, de Walkyrie tatare, seule femme parmi les hommes, qui nous doublait à la course, riait à gorge déployée et chevauchait souvent aux côtés de notre général de qui elle était devenue très proche.

Les soldats que nous rencontrions s'étonnaient de voir une femme parmi les opritchniki et Ulfasso rétorquait qu'elle y avait mérité sa place, n'hésitant pas à l'envoyer en première ligne pour qu'elle puisse prouver à tous qui elle était. Mais plus ses sentiments pour elle progressaient, plus on pouvait le voir observer le front d'un air préoccupé, avant de se lancer au combat pour la seconder, ce qui fit que bientôt, on les voyait toujours combattre côte à côte pendant les batailles. En fait, Ulfasso tenait à Irina comme à la prunelle de ses yeux, et s'il ne lui avait pas donné sa parole de la traiter en guerrière, il l'aurait envoyé séance tenante à Novgorod pour la tenir éloignée des combats. Mais c'était hors de question, évidemment, puisque la princesse n'avait pas le statut de concubine du prince mais d'opritchniki, et que du reste, elle aurait refusé d'être dans un endroit où celui-ci n'était pas.

Elle n'hésitait pas à tenir tête à ce dernier et le mettre en face de ses contradictions.

« Pourquoi tu te bats ? lui demandait-elle souvent. Y a-t-il une raison particulière pour que tu ai décidé de donner ta vie au tsar ? »

Ulfasso ne savait jamais quoi répondre. Irina, elle, s'était battue pour ses frères, son père, sa famille, et même si elle se jetait au combat avec le même fanatisme qu'Ulfasso, elle le faisait pour des raisons bien différentes de ce dernier, qui n'avait en réalité, plus personne à protéger.

Maintenant, elle se battait pour lui, pour lui prouver sa valeur et son courage, se montrer digne de lui. Mais cela, elle ne l'avoua jamais, fière comme elle était. Et lui, de son côté, ne lui dit jamais rien non plus, de sorte que tous les deux étaient les seuls de tout le camp à ignorer les sentiments qu'ils avaient l'un pour l'autre. Pour moi, Ulfasso avait enfin acquis un visage humain, et je m'en félicitais, car j'appréciais beaucoup Irina, qui, quelque part, me ressemblait.

Cependant, un jour que nous nous trouvions en cantonnement dans le Caucase, alors théâtre de nombreuses incursions tchétchènes, Irvine vint me trouver, stoppant son fringuant coursier arabe juste sous mon nez.

— Ulfasso pense que les Tchétchènes sont à moins d'un jour d'ici, dit-il de sa voix claire au débit rapide. Mais étant donné que nous nous apprêtons à remonter vers le nord où d'autres menaces ont été signalées, nous ne pouvons nous permettre de perdre du temps sur cette portion de frontière sur la base d'une simple supposition. Prends donc la Kazakhe avec toi, le blond, et va vérifier si c'est vrai. Et tâche de te montrer digne de la confiance que notre général t'a accordée, pour une fois !

Ayant dit cela, il me jeta un dernier regard méprisant et partit au grand galop.

J'étais surpris qu'Irvine, qui me haïssait pour une raison que j'ignorais et était le seul qui semblait ne pas apprécier Irina, nous demande à tous deux d'accomplir une mission aussi importante. Cependant, un ordre était un ordre, surtout venant de la part de cet officier qui ne me passait rien, et j'allais prévenir Irina pour qu'elle accompagne, comme Irvine l'avait demandé.

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