Chp 32 - Lev : Helsinki, nid d'espions

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L'absence de Fassa - qui s'éternisait - me contraria plus que je ne l'aurais cru. Allait-elle vraiment me quitter, refuser mon offre, le mariage ? Cela foutait un l'air tous mes plans, bien sûr, mais je fus également surpris de ce que ça me provoquait au niveau personnel. J'en perdis le sommeil. Et lorsque j'arrivais enfin à fermer les yeux, j'étais hanté par des images cauchemardesques, toutes plus affreuses les unes que les autres. Il fallait absolument que je récupère Fassa, que j'arrive à la convaincre que l'histoire qu'elle avait entendu – dont j'ignorais les détails – n'était que pure affabulation. Pour cela, je devais voir Erik, mais il n'était plus chez lui. Tant pis. Ce n'était que partie remise.

Mais il y avait un autre problème.

Quelques semaines plus tôt, sans en avertir personne, j'avais vendu mes parts chez Novka : cela faisait partie du plan. Impossible de revenir en arrière. J'allais faire sans. Sans Novka, et sans Fassa. Est-ce que j'avais seulement envie de le faire ? Ne valait-il pas mieux tirer un trait sur le futur que m'avait fait miroiter Fassa, sur les possibilités que son arrivée dans ma vie avaient fait naître, et faire machine arrière ? Je pouvais toujours demander à revenir au Conseil d'Administration de la boîte. J'étais quasiment sûr qu'on ne me le refuserait pas.

Non. Tu es plus ambitieux que ça. Tout n'est pas perdu. Tu peux encore rectifier le tir.

J'avais prudemment gardé un siège à la division du commerce de la région d'Helsinki, que je comptais conserver l'année suivante. J'avais plus de temps pour m'occuper de mes responsabilités là-bas, et y fit quelques apparitions lors des réunions. L'an prochain, ce serait les élections régionales : je me donnais deux mois de vacances avant de m'en occuper. Enfin ça, c'était l'idée... en admettant que j'ai épousé Fassa.

J'avais conservé mon bureau à Espoo, mais nommé quelqu'un d'autre pour y siéger à ma place. C'était un jeune Suédois capable et dynamique du nom de Hans Larsson, que j'avais briefé quelques mois avant de partir. Ava démissionna également : elle resta ma secrétaire particulière.

Cependant, ces remous dans ma vie professionnelle avaient fini par attirer l'attention de la Paaesikunnan tiedusteluosasto, la division des renseignements généraux finlandais, qui s'étaient chargés de mon passage à l'Ouest quinze ans auparavant.

Bien sûr, je savais que ces types me surveillaient. C'était normal, puisque j'étais un transfuge russe qui leur avait fourni des renseignements militaires pour pouvoir bénéficier d'une nouvelle identité et d'une nouvelle vie. Aux débuts de Novka, ils m'avaient interrogé pour savoir ce que je faisais, avaient enquêté sur moi et m'avaient mis sous surveillance plus ou moins discrète pendant des mois. Mais au fil du temps, les mesures de leur part avaient fini par se relâcher, et je n'avais plus entendu parler d'eux.

Dès que j'ouvris la porte ce jour-là, je sus immédiatement à qui j'avais à faire. C'était le grand retour dans ma vie de la Sasto. Bien évidemment, ils avaient choisi leur moment pour m'envoyer un de leurs sbires. Même Fassa n'était pas censé être au courant de ce secret d'état si bien gardé : personne de devait savoir que la Finlande abritait bien consciemment un ancien espion russe, même si j'étais loin d'être le premier dans ce cas.

— Vous êtes Ulfasso Chevsky, n'est-ce pas ? m'annonça d'emblée le type.

Il était relativement jeune : c'est à dire qu'il avait l'air d'avoir quasiment mon âge. J'aurais préféré avoir affaire à l'un des vieux renards avec qui j'avais traité à l'époque : savoir qu'un petit nouveau était mis dans la confidence ne me plaisait guère. Mais j'avais pu m'apercevoir, rien qu'avec le jour où j'avais été arrêté pour excès de vitesse il y a cinq ans, que mon identité était un secret de polichinelle.

— Qu'est-ce que vous me voulez ? demandai-je au gars après l'avoir observé un moment.

Il était roux, avec un visage un peu poupin. Pas du tout une tête d'agent d'élite. Pourquoi m'envoyait-on un type pareil ?

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