Chp 42 - Lev : le garçon aux loups (1)

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J'étais seul dans la forêt, et j'avais huit ans. Des arbres immenses, recouverts de neige, m'environnaient, mais ils étaient loin de me rassurer. Je soufflai sur mes mains pour les réchauffer, faisant apparaître de la buée. J'étais mort de froid.

Je savais parfaitement où j'étais, et ce qui allait se passer. Je m'étais retrouvé dans cette situation un bon millier de fois, revivant inlassablement cette scène toutes les nuits, à tel point que je craignais le sommeil comme la mort. Car le garçon aux loups allait venir... Il venait toujours. Je pouvais déjà sentir sa présence entre les arbres, là. Caché dans la pénombre, il me fixait en silence, attendant le moment propice. Bientôt, je verrais deux lueurs rouges luire dans le noir. Puis un gros loup en sortirait, et il serait assis dessus. Il me sourirait, et sa bouche allait fendre son visage d'une façon monstrueuse. Il avait tant de dents...

Mais un bruit de grattement me tira du rêve avant que le garçon aux loups n'apparaisse. Le grattement le fit fuir, et les contours de la forêt s'estompèrent rapidement, laissant place au noir total. J'étais recouvert d'au moins cinquante centimètres de terre. Du moins, c'est que j'estimai à cause de la pression sur ma poitrine. J'avais du mal à respirer. Il n'y avait plus aucun autre bruit que ce grattement. Un animal devait essayer de creuser, attiré par l'odeur du sang... Un loup, un vrai ?

La terreur me frappa comme jamais. Finalement, il était venu... Je savais que c'était lui. A sa façon obstinée de creuser, à mains nues. Il n'y avait que lui pour avoir une telle obstination, une telle rage. Je ne sentais plus mon bras gauche, et par réflexe, je serrais mon poing droit et réussis à le dégager. Mais je n'avais plus aucune force.

Je me mis à creuser moi aussi, y mettant toute mon énergie. Je me servis de ma main comme d'une pelle. Je réussis soudain à sortir mon bras, et agrippai le corps chaud au-dessus de moi comme une bouée. Je me sentis tiré par le poignet par une brusque traction, et lorsque mon visage fut dégagé, je le vis.

Erik.

— Ne me dis pas que je t'ai volé ta vie, et que je devrais mourir à ta place, réussis-je à croasser péniblement. Je suis désolé, vraiment. Je m'excuse, Erik.

Il m'attrapa par l'épaule et me serra contre lui.

Pour la première fois de ma vie, je me retrouvai dans les bras d'Erik, la personne qui avait été la plus proche de réussir à me tuer... avant les frères Nikolic. Sans dire un mot, il examina mes plaies, mon crâne ensanglanté, posant ses doigts dessus comme un singe qui en épouille un autre.

— Sale blessure, furent ses premières paroles, murmurées à voix basse. Ton bras est dans un plus mauvais état que ta tête.

J'étais d'accord avec son expertise : je savais quel calibre les Serbes avaient utilisé pour me tirer dessus.

— Bouge pas, Ulfasso. Tu perds beaucoup trop de sang. Faut que je te fasse un garrot.

De ses mains expertes, Erik commença à procéder aux premiers soins. Il savait faire. Et il n'avait pas peur du sang. Des compétences acquises sur le champ de bataille, qui ne s'improvisent pas.

— Les frères Nikolic... articulai-je péniblement. Il faut finir le travail... il faut...les tuer.

Ces types restaient une menace. Cela, j'étais bien capable de m'en souvenir. Si on les laissait vivre, ils allaient s'en prendre à Fassa, comme Elena m'avait dit.

— Les frères quoi ? fit Erik en rapprochant son oreille.

— Les frères... Nikolic, répondis-je dans un souffle. Des tueurs à gages serbes. J'en ai tué un, mais il en reste deux. L'un d'eux est sérieusement blessé. Nikos, un gros bourrin qui ne sent pas la douleur.  doivent encore être dans la cabane. Faut les finir, Erik. Tu t'occuperas de moi après.

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