Chp 3 - Fassa - Vodka et pilmini (2)

100 17 19
                                    

Surprise, j'écarquillai un peu les yeux.

— Vous ne voulez pas que je vous parle plus du projet ? fis-je, étonnée.

Lev se releva, et jeta un rapide coup d'œil à sa montre.

— Vous avez déjà mangé ?

— Euh, non, répondis-je sans comprendre où il voulait en venir. Évidemment non.

— Vous avez un rendez-vous, tout de suite ? continua-t-il.

— Non... Ne vous inquiétez pas pour ça, j'ai bloqué ma journée. Si vous voulez que je vous détaille plus en avant le projet, j'ai tout le temps que vous voulez.

— Très bien, dit-il alors. Vous allez manger avec moi. Si ça ne vous dérange pas, bien sûr.

Je bafouillai un maladroit démenti et me retrouvai bien vite dehors, sur les pas de Lev. Il avait noué une grosse écharpe rouge bordeaux autour de son cou, qui contrastait avec le noir uniforme du long manteau, des gants en cuir, du pull et du jean qu'il portait. Même ses bottes fourrées, des UGG très basses, étaient noires.

— Je propose qu'on retourne à Hesa, proposa-t-il une fois dehors. Je connais un très bon restaurant russe. Vous aimez les pilmini ?

Je hochai la tête en signe d'assentiment, sans être trop sûre de me souvenir de ce qu'étaient des pilmini. Mes parents n'étaient pas vraiment russophiles. Lev me fit monter dans sa voiture, qui n'était pas, comme on aurait pu s'y attendre, une voiture de sport italienne mais un 4x4 de luxe certes, sûrement plus adapté aux routes finnoises souvent enneigées, jeta son manteau à l'arrière et s'installa au volant. Alors qu'il était occupé à manœuvrer, je jetais un coup d'œil au lecteur, qui était aussi un GPS et une télé. Lev posa son doigt dessus et le plan de la route d'Helsinki s'afficha, accompagné d'une voix féminine japonaise dont je ne pus comprendre un traitre mot.

— J'ai acheté cette voiture au Japon, murmura-t-il en guise d'explication. La mienne a été emboutie par un ours il y a deux semaines, alors que je rentrais chez moi. Le finnois n'était pas dans la liste des langues disponibles du GPS.

— Mais vous comprenez ce qu'elle dit ? demandais-je, incrédule.

— Oui, répondit-il. J'ai parlé le japonais avant le russe.

Et il n'a pas la moindre trace d'accent en finnois, pensai-je en moi-même. Impressionnant.

À chaque fois que la voiture s'arrêtait à un stop ou un feu rouge, le plan laissait place à la télé finnoise. J'étais fascinée par ce GPS.

— Vous pouvez changer de chaîne, me lança-t-il après un rapide coup d'œil sur mon visage étonné. Et cessez de faire cette tête : au Japon, toutes les voitures sont équipées avec ce genre de GPS.

J'appuyai sur un bouton au hasard. Cela mit en marche la radio, et je décidai de ne plus y toucher, satisfaite comme ça.

Lev me posa tout un tas de questions sur Les Amis de la Terre et mon engagement dedans pendant le trajet, de telle sorte que moi, en contrepartie, je ne pus lui en poser une seule. J'étais curieuse, notamment, de savoir s'il était marié. Il ne portait pas d'alliance, ni aucun bijou d'aucune sorte, d'ailleurs, mais avec les hommes d'affaires, on ne sait jamais... du moins, c'est l'image que j'en avais. Tiré non pas de mon expérience, mais plutôt, il faut l'avouer, de mes préjugés.

Arrivé au centre d'Helsinki, Lev s'arrêta juste devant un restaurant russe que je connaissais de nom, mais où je n'étais jamais allée. Il donna ses clefs à un voiturier et y entra, accueillit par le patron qui trainait derrière le bar en faisant ses comptes. Ce dernier lui adressa la parole en russe, et s'ensuivit une conversation dans cette langue que j'eus du mal à suivre, en dépit de mes quatre ans de russe obligatoires au collège. Puis après m'avoir fait un sourire obséquieux, le patron nous conduisit à une table dans le restaurant vide.

DEVILISH LIESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant