Chp 28 - Fassa : face au diable

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J'allais immédiatement le retrouver. Ne le trouvant pas à son bureau car il était encore trop tôt, j'allais jusqu'à chez lui. J'ouvris avec ma clé, pour trouver une maison silencieuse et éteinte. Jetant un coup d'œil à ma montre, je réalisais qu'il était six heures du matin.

Je me rendis dans la chambre, après avoir posé mon manteau dans le salon. Lev était dans son lit, et il dormait paisiblement. Après avoir contemplé un instant par la grande baie vitrée la nature qui peu à peu s'éveillait, baignée du soleil qui venait tout juste de se lever, j'inspirai un grand coup et me tournai vers la silhouette de mon fiancé endormi.

Ulfasso Levine Tchevsky, pensai-je en le regardant. Voilà donc, d'après Erik, ton nom russe... Né quelque part au Japon au 17° siècle, tu as été général du corps d'armée le plus impitoyable que la Russie a connu, et tu as massacré avec fanatisme un grand nombre de gens, avant de devenir fou pour une raison obscure et de t'en prendre à tes propres hommes, allant jusqu'à tuer ton meilleur ami et à déterrer ta mère pour qui tu entretenais une passion morbide... Mais tu es ici maintenant, devant moi, te faisant appeler Lev Haakonen et dormant paisiblement. Et je vais t'épouser dans moins de trois semaines.

Pendant tout le trajet, je m'étais répété comme un leitmotiv que cette histoire aussi épouvantable que surnaturelle était impossible, et qu'Erik était quelqu'un de totalement psychotique, qui vivait dans un monde imaginaire. Mais depuis le début, j'avais l'intuition que Lev n'était pas ce qu'il prétendait être. Depuis le commencement, je savais qu'il était différent des autres, et maintenant que je l'avais sous les yeux, cela me paraissait l'évidence même.

Je m'assis sur le lit, et passai ma main sur sa joue. Un geste que je ne pouvais me permettre que rarement. Beau comme le diable, pensai-je, oui, c'est ça, le diable... De ce dernier, il avait bien toutes les caractéristiques. Et j'étais tombée entre ses griffes.

Le faisceau acéré des yeux de Lev se posa sur moi. Il était réveillé... j'enlevai vite ma main.

— Fassa ? Qu'est-ce que tu fais là ? Un problème ? C'est Erik ? s'enquit-il avec une vague inquiétude dans la voix.

Je n'entrais jamais dans sa chambre d'habitude. C'est ça surtout, qui devait l'étonner.

— Non... J'avais envie de te voir, c'est tout. Erik s'excuse, il ne sait pas ce qui lui a pris. Il y a deux ans, il a été agressé par une bande où se trouvait un type qui te ressemblait, avait un nom à sonorité russe, et en rentrant hier, un peu bourré, il t'a confondu avec lui, mentis-je, ayant répété mon texte avant de venir.

Lev soupira, se passant les deux mains sur le visage.

— Terrible.

Je jetai un coup d'œil à son bas-ventre, dévoilé par la couverture et sur lequel se dessinait nettement la cicatrice de la blessure qu'Erik disait lui avoir infligée avec le yatagan d'Anton Chovsky. À voir la taille de l'entaille, cela me paraissait évident qu'elle n'avait pas été causée par un bistouri.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Lev en regardant ce que je faisais.

— Je me disais que ton médecin était vraiment un boucher, murmurai-je. A-t-on besoin de faire une telle entaille pour opérer d'une appendicite ?

— Bah, c'est le médecin de l'armée, faut pas trop lui en demander.

— Sûrement, répondis-je sans rire à sa boutade.

Après un bref silence, Lev me demanda :

— Quelle heure il est ?

— Il est six heures et demie.

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