Chp 10 - Lev : le thon rouge

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Je me levai à six heures, fit mon lit au carré et partis faire mon jogging habituel. Le souvenir de l'ourse me fit courir plus vite que d'habitude, et j'expédiai mes quinze kilomètres journaliers en moins d'une heure. Je remontai les escaliers menant chez moi en courant, mangeai rapidement et pris une longue douche, sous laquelle je me récurai soigneusement. J'hésitai à m'astiquer le manche préventivement, puis je décidai que non. Fassa avait l'air gourmande. Mieux valait prévoir une bonne réserve d'endurance. Je me rasai, me parfumai et m'habillai, puis allai continuer le ménage. Faisant ma chambre en dernier, je tombai sur le sabre. Je l'attrapai dans l'idée de le ranger dans sa boîte, avant de changer d'avis.

Bah, pensai-je, Fassa n'entrera pas dans ma chambre. On baisera sur le canapé.

Et quand bien même, qu'est-ce que ça faisait s'il y a un sabre japonais de l'époque Kamakura en décoration ? Je préférais le garder à portée de main : en cas d'attaque d'ourse, c'était la seule défense que j'avais. J'avais enterré tout le reste de mon armement dans un bunker souterrain de la guerre froide situé à l'orée de la forêt, petit plus secret qui constituait la véritable raison pour laquelle j'avais jeté mon dévolu sur ce coin.

En fait, le ménage me prit toute la journée, et j'oubliai totalement de m'occuper du dîner. Je ne m'en souvins que lorsque Fassa monta dans ma voiture, en déclarant qu'elle avait faim.

Comme toujours, elle était superbe. Ses cheveux étaient relevés sur sa tête en un fouillis romantique, tenus par une barrette en forme de papillon argenté. Elle portait encore une de ses robes originales, bleu marine cette fois, et des longues chaussettes rayées sur des ballerines. Sur une autre fille qu'elle, cela aurait fait clown échappé du cirque de Moscou. Mais je préférai encore ça que les bottes noires en vinyle, qui avaient la fâcheuse propension à me rappeler les cuissardes d'Elena, une escort que je m'étais tapé l'an dernier, en version plus hardcore.

Pendant tout le voyage, Fassa regarda la route en silence. Elle était inquiète. Elle n'arrêtait pas de me faire remarquer que j'habitais « vraiment loin ». Je la surpris même en train d'envoyer un texto précisant sa location à ses potes, comme si je l'avais enlevé. Je décidai de ne rien dire, préférant qu'elle se rende compte par elle-même que je n'étais pas un type méchant, et que j'étais bien intentionné. Je jetai un rapide coup d'œil à mon image dans le rétro : Est-ce que j'étais vraiment aussi flippant que ça ? Et si oui, pourquoi m'avait-elle suivi, au juste ? Je me fis un sourire, que je remballai immédiatement. On aurait dit un psychopathe.

Cependant, après avoir angoissé, Fassa retrouva sa bonne humeur en voyant la maison. Elle la trouvait très originale, et s'amusait dedans comme une gamine de dix ans. Pendant qu'elle était en haut en train d'inspecter le lustre, je descendis pour chercher à boire, me félicitant d'avoir mis autant d'argent dans cette baraque. Je me servis d'office un verre de jus d'orange, et elle vint me rejoindre pour avoir du jus de tomate. Il fallait tout le temps qu'elle fasse l'originale, mais c'était précisément pour ça que je l'aimais bien.

— J'ai faim, dis-je en me rappelant que j'avais complètement zappé la bouffe. Qu'est-ce que tu veux manger ?

Fassa me regarda, un doigt sur la bouche.

— Je ne sais pas, qu'est-ce que tu sais cuisiner ?

Apparemment, elle s'était imaginée que j'allais lui mitonner un truc extraordinaire. C'était mal me connaître : je ne savais même pas faire une omelette sans y mettre des bouts de coquille.

Je lui en proposais une néanmoins, ou un steak, avant de me rappeler qu'on pouvait manger du sashimi de thon rouge. C'était bon, un peu classieux, et surtout, facile à faire. Du moins, je savais découper le poisson.

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