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Ezéchiel

Un verre à la main je me suis adossé à l'un des murs afin de garder un œil rivé sur la porte menant à l'appartement. Les bruits feutrés des différentes conversations en fond sonores ainsi que les déplacements des convives n'arrivent pas à me sortir du brouillard dans lequel mon esprit m'a plongé et je n'ai qu'une hâte que Mira revienne enfin près de moi. À quelques heures de notre séparation je ne sais toujours pas si cette décision est la bonne mais c'est sans doute la plus censée, j'ai besoin de respirer qu'elle me sorte enfin de la tête pour quelques heures. Puis bon ce n'est pas comme si elle allait me manquer ou si j'allais m'inquiéter pour elle. Après tout ce n'est qu'une fille parmi des dizaines d'autres, je ne ressens rien et elle ne représente rien pour moi. Les accords scellés ici assurent l'intégrité des marchandises, aucune chance qu'il lui arrive quoi, rien que je ne pourrais pas lui faire subir en tout cas. Et puis merde pourquoi je cherche autant à me rassurer si j'en ai rien à foutre d'elle ?

La porte s'ouvrant soudainement sur Mira me sort de mes pensées. Comme les autres filles qui seront proposées ce soir elle porte une longue robe blanche s'arrêtant quasiment au sol tandis que les manches évasées dissimulent presque ses mains. Elle scrute la foule l'air hésitante avant de me repérer et d'immédiatement se mettre en marche pour me rejoindre. Quand Mira arrive face à moi je prends le temps de l'examiner plus longtemps. Le vêtement cache intégralement son corps pour mieux le mettre en avant grâce à la transparence du tissu. Je la contemple tout en essayant de figer ses jolis traits dans ma mémoire avant de lui demander :

— La préparation s'est bien passée ?

— Oui.

Sa réponse est glaciale tandis qu'elle me lance un regard interdit dont je ne peux m'empêcher de penser que c'est entièrement ma faute. Je tente de mon mieux de rester indifférent à sa froideur tout en lui proposant d'aller grignoter quelque chose. Elle acquise d'un signe de tête et me suis en veillant à toujours rester derrière moi.

Brusquement elle attrape ma main et tire dessus tout en s'arrêtant. Surpris par son attitude je me rapproche de Mira. L'air blême et tremblant presque elle se colle instantanément contre mon dos comme si j'étais devenu son bouclier humain. Je n'ai pas le temps de l'interroger sur son attitude qu'un homme m'a rejoint. Il lance un coup d'œil amusé sur Mira qui frisonne contre moi avant qu'il ne me dévisage. Il doit avoir à peu près mon âge et semble faire ma taille. Ses yeux bleus me renvoient un éclat glacial tandis que la balafre qui orne l'une de joues me fait lever un œil surpris. Un sourire malsain étire ses lèvres tandis qu'il tente de fixer Mira qui est toujours tétanisée dans mon dos. Soudainement l'homme s'ébroue comme s'il revenait à la réalité avant de me tendre sa main.

— Enchanté, je suis Jarod. Cette petite trainée était à moi il y a quelques années, je suis surpris de la retrouver ici.

Je serre sa main tout en songeant au fait que j'ai déjà entendu ce nom avant de me présenter à mon tour :

— Ezéchiel.

Je sens Mira se tendre derrière moi tandis que ses doigts toujours entremêlés aux miens me sert plus fort. Jarod me lance un regard entendu avant d'esquisser un sourire joueur en direction de Mira. Alors que je m'attendais à ce qu'il insiste il n'en fait rien et tourne les talons comme si cette étrange conversation était terminée.

Il me faut quelques secondes pour revenir à la réalité, en sentant Mira contre moi je m'empresse de trouver une pièce plus calme pour qu'elle puisse se remettre de ses émotions. Sans protester et sans me lâcher elle me suit dans un long couloir qui dessert plusieurs pièces jusqu'à ce j'ouvre l'une des portes au hasard. Par chance la chambre est vide, tandis que je verrouille la porte Mira s'est assise sur le lit, elle me regarde fixement, comme si elle était ailleurs avant de fondre en sanglots. Ces derniers sont longs et douloureux, me sentant incapable de la laisser souffrir seule je me résigne à m'asseoir à côté d'elle et à l'attirer contre moi. Blottie contre moi je caresse son dos jusqu'à ce que ses larmes finissent par se tarir après de longues minutes. Mira fini par se détacher et essuie ses joues tout en reniflant. Je lui adresse un regard contraint avant de lui demander :

TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant