Ezéchiel
A peine la porte de l'appartement franchis j'entends déjà les piaillements de Maria et soupire intérieurement, ça ne m'avait pas manqué. J'adore ma petite sœur hein, mais elle est parfois un peu trop...collante. Ce n'est qu'après un rapide passage dans la salle de bain pour une douche hâtive que je la rejoins dans la cuisine. Elle a déjà dressé la table et de la vapeur s'échappe d'une casserole placée au milieu. Et dire que moi j'arrive avec quasiment une heure de retard pour son dernier jour de vacances, je ne mérite vraiment pas tant d'attention.
— Encore désolé du retard, j'ai eu un problème au travail et ça a pris plus de temps que prévu...
— T'inquiète, j'ai tout fait réchauffer mais ça sera moins bon, dit-elle en haussant les épaules, tu veux me raconter pour le taf ?
En vrai j'aimerai bien pouvoir raconter tranquillement mes journées sauf que j'peux pas. Ça fait des détails inutiles à retenir et ça me fait lui mentir, certes c'est pour la protéger mais j'ai pas envie d'en abuser.
— Non rien qui en vaille la peine. Comment s'est passé ta semaine de vacances ? Ça t'a fait du bien ?
— Grave, la ville est superbe ! Encore merci de m'avoir fait une petite place, je suis vraiment heureuse d'avoir pu passer du temps avec toi.
Sa bonne humeur est contagieuse et je me retrouve à sourire pendant qu'elle sert les pâtes carbonara qu'elle a préparée. Le dîner se passe doucement, sa présence me rends nerveux mais m'apaise en même temps, c'est un sentiment assez déstabilisant. Maria incarne parfaitement la frontière qui scinde ma vie entre le privé et le professionnel, c'est justement pour éviter cette coupure grossière que je me refuse à avoir toute vie privée. Sa présence me met aussi face à tous les choix douteux que j'ai pu faire. Non pas que je les regrette, mais je sais qu'elle ne les cautionnerait pas, pas plus qu'elle ne pourrait les comprendre. Après tout absolument rien ne prédestinait mon choix de carrière, aucune excuse possible. J'ai eu des parents aimants, une petite sœur adorable, j'étais même pas un élève à problème en cours, malgré tout j'ai fait le choix le plus sombre possible. La voix aiguë de Maria fini par me tirer de mes pensées :
— Dit, tu pourras m'accompagner à la gare demain ?
— Ouais bien sûr, on prendra ma voiture ça sera le plus simple. J'suis désolé si j'ai l'air ailleurs, la semaine est passée tellement vite, j'ai l'impression de ne t'avoir vu qu'en coup de vent...
— C'est rien, je suis contente d'avoir pu passer un peu de temps avec toi, tu travailles toujours tellement.
Une petite pointe d'amertume se plante en moi et je lui adresse un sourire contraint avant de m'attaquer à la vaisselle pour ne plus devoir soutenir son regard. Putain, John et mes collègues se foutraient sacrément de moi s'il savait que j'étais aussi lâche avec elle.
Quelques heures plus tard je finis par enfin me retrouver dans mon lit pour une nuit bien méritée. Rituel prit depuis de longues années, j'énumère la liste des tâches qui m'attendent demain. En priorité, raccompagner ma sœur pour lui éviter toute déception, finir de bosser avec John sur le site, passer quelques appels et recruter quelques candidates. Tranquille en théorie, faut juste que j'assure avec ma sœur.
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Pourquoi cette putain de sonnerie ne s'arrête pas ? Je repousse rageusement la couette tout en clignant des yeux face à l'écran de mon portable. Ok, c'était pas mon réveil mais un connard qui me spam d'appel, voilà pourquoi. Je décline l'appel et coupe le son avant de m'accorder quelques secondes pour pleinement me réveiller. Quand je me sens capable d'affronter la luminosité de mon téléphone je regarde l'heure avant de détailler le journal d'appel et les sms reçus. Même pas six heures du mat' et déjà des problèmes qui me tombent dessus, encore une journée qui s'annonce bien.
J'envoie un bref message avant de me résigner à devoir me lever. Je m'assure que Maria dort toujours avant de sortir pour pouvoir discuter de vive voix avec John. De ce que j'ai compris, des concurrents ont réussi à obtenir le nom de domaine d'un site avant nous et il est en train de paniquer. Rien qui ne puisse pas s'arranger avec une bonne visite de courtoisie, mais je comprends que s'attaquer directement à son travail puisse lui faire un peu perdre pied. Ça a beau être le meilleur dans son domaine, dès lors que John n'est plus derrière un écran, il a tendance à perdre tous ses moyens, comme si le monde extérieur le tétanisait, alors expliquer ça au boss...
Je me retrouve à déambuler dans la ville qui se réveille tout en enchaînant les appels pour résoudre ce problème. Je me suis déjà sali les mains hier, pas question que je m'y colle encore aujourd'hui. Quand la situation semble sous contrôle, que tous les ordres sont transmis et que John a réussi à se calmer il est quasiment huit heures et Maria commence déjà à me demander où je suis. Encore un jour où je ne vais pas avoir le temps de m'ennuyer. Histoire de trouver un prétexte crédible pour ma sortie je fais un crochet par la boulangerie, un petit déj avec des viennoiseries c'est le meilleur moyen pour bien commencer la journée.
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Ténèbres
ActionDeux protagonistes qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Mira. La vie l'a fracassé, elle a fait de mauvais choix, de très mauvais choix. Et pourtant elle s'en est miraculeusement sortie. Tout aurait pu continuer dans le meilleur des mondes mais le...