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Mira

Les jours se sont enchaînés doucement, je ne saurai pas dire exactement ce qui a changé mais les choses semblent plus douces, plus calmes. C'est étrange, je suis toujours dans une situation cauchemardesque pourtant ça va, je l'accepte plutôt bien. Tous les matins Ezéchiel prends le temps de s'assurer que ma langue guérisse tout me faisant faire des exercices, il a d'ailleurs enfin pu retirer les points de sutures aujourd'hui. L'après-midi on la passe le plus souvent devant des films ou à jouer à la play, puis ont fini par discuter de tout et de n'importe quoi surtout que j'arrive à présent à parler un peu. J'ai un peu l'impression de traîner avec un vieux pote, qu'on passe du bon temps ensemble et c'est apaisant. Pas une seule fois on n'a reparlé du travail ou de John et je ne sais pas quoi penser de ces sujets, est-ce qu'Ezéchiel les évite volontairement ? J'ai bien trop peur de rompre cette harmonie apparente pour les aborder.

Malgré cette douce torpeur je n'oublie pas mon objectif principal qui reste la fuite. J'essaie de pousser Ezéchiel à me parler de sa vie ou de son travail mais il reste toujours très évasif dans ses réponses si bien que je n'avance pas vraiment et je n'ai toujours pas remarqué de potentielles défaillances. Il n'est pas sorti une seule fois depuis le retour du hangar, de ce que j'ai compris quelqu'un s'est occupé de lui apporter ses affaires et gère également les courses. Ezéchiel est également resté fidèle à sa décision de ne pas dormir avec moi en s'installant dans l'autre chambres. Les nombreux cauchemars que je fais depuis cette nuit fatidique et qui me laissent épuisée pour la journée ainsi que mes supplications ne l'ont pas fait plié. En même temps c'est sacrément ridicule de quémander la présence de son bourreau pour être rassurée.

Pourtant alors que le générique de fin de Nerve défile sur l'écran Ezéchiel me fixe l'air contrarié avant de me demander avec une certaine hésitation :

— Tu fais toujours autant de cauchemars ?

— Oui pourquoi ?

— Je pensais qu'il finirait par s'estomper, au moins un peu. Je peux essayer de dormir avec toi voir si ça change quelque chose.

J'accepte en hochant la tête, je ne suis pas certaine que ça changera quelque chose à mes réveils nocturnes mais au moins je devrais me rendormir plus aisément. Alors que je pensais la conversation terminée Ezéchiel poursuit :

— Il va falloir songer à reparler du travail. Tu ne reprendras pas encore avant une bonne semaine mais on a des choses à régler.

— Je vais encore devoir écrire des scénarios ?

Il rit devant mon air abattu avant de reprendre :

— Non, j'ai compris que ça te gonflait et que tu peux gérer sans. Il faudra surtout finir la séance photos et j'aurais quelques conseils à te donner au niveau de la posture, de la gestuelle.

— Du genre ?

L'idée qu'on puisse redire sur mon travail me gêne un peu et je suis en même temps extrêmement curieuse de voir ce qu'il peut m'apprendre du coup ma question à fuser tout naturellement et malgré moi. Ce n'est qu'après coup que j'assimile le reste de ses paroles tandis qu'il m'explique déjà :

— On verra ça demain d'accord ?

— Ça me va. Mais tu as bien parlé de photos non ? Ça veut dire que John va venir ?

Je ne sais pas s'il a omis de prononcer son nom volontairement et j'ai essayé d'être la plus neutre possible dans ma voix pour ne pas raviver de tension mais j'ai malgré tout senti Ezéchiel se crisper.

TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant