Ténèbres

57.

Ezéchiel

La tirade de Mira me laisse silencieux, ainsi elle n'était même pas certaine de ne plus l'aimer avant ce soir. Peut-être que ce changement lui permettra de reconsidérer mes sentiments à son égard. C'est sur cette pensée que je risque :

— Donc tu n'aimes plus personne ?

— C'est ça, me répond-t-elle en hochant la tête.

— Je sais que tu ne m'aimes pas mais tu ressens quoi pour moi ? Et pour John ?

— Pour John c'est facile, je l'apprécie sincèrement, je te l'ai déjà dit. Il est gentil et plutôt bienveillant mais ça s'arrête là. Je ne peux pas dire que c'est un pote mais c'est ce qui s'en rapproche le plus.

— Et pour moi ?

Mira réfléchis durant quelques secondes alors que j'attends sa réponse avec anxiété.

— Je ne sais pas. À mes yeux tu es responsable de tout ce bordel. Je devrais te détester mais je n'y arrive pas. Je crois que je t'apprécie mais c'est parce que je n'ai pas le choix, toute ma vie dépend de toi donc j'ai intérêt à ce qu'on s'entende bien non ?

Putain, je savais qu'elle était maligne mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit si lucide. J'hésite un instant avant de demander :

— Et ce qu'il s'est passé ce soir tu en fais quoi ?

— C'était qu'un jeu, rien de plus.

— Vraiment ?

Elle hoche la tête l'air pensive malgré tout. Je réfléchis quelques secondes quand une idée me vient soudainement en tête. Je jette un regard autour de moi pour m'assurer qu'on est seuls sur la route avant de finir par m'arrêter sur une minuscule aire de repos. J'allume les warnings et coupe le contact tout en demandant à Mira de sortir. L'air perdue elle s'exécute malgré tout et je ne tarde pas à la rejoindre.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— J'essaie un truc, on repartira après ne t'inquiète pas.

La peur s'est infiltrée dans ses pupilles mais Mira me laisse malgré tout la plaquer contre la carrosserie de la berline. Je pose doucement d'abord mes lèvres contre les siennes avant de me faire plus pressant et d'approfondir le baiser. Mira entrouvre ses lèvres et nos langues se retrouvent à jouer ensemble de plus en plus fougueusement. Son corps est parcouru par de longs frissons tandis qu'elle glisse ses mains dans mon dos pour me plaquer contre elle. On reste ainsi à échanger ce baiser durant ce qui me semble être une éternité. Quand on se détache je souffle d'une voix chaude :

— Ça c'est un peu plus que ne pas avoir le choix.

Mira allait me répondre mais referme sa bouche en voyant qu'une voiture s'arrête derrière la nôtre. Je n'ai pas le temps de dire à Mira de remonter qu'un homme en sort et nous demande dans un anglais parfait si l'on a besoin d'aide. Quel con bordel. Il me faut quelques secondes pour me ressaisir et lui répondre :

— Non ça va, on allait repartir.

— Vous êtes sûr ? Insiste-t-il tout en fixant les warnings qui clignotent dans la nuit.

Je lance un coup d'œil sur l'habitacle allumé de sa voiture, un second homme à l'avant et une femme à l'arrière. Je n'ai pas le temps de lui répondre que Mira fait un pas vers lui. Il la regarde avec une certaine curiosité tandis qu'elle le fixe une lueur d'espoir dans les yeux. Je ne l'ai jamais vu avec ce regard et je comprends instantanément que les choses vont déraper. Bordel. J'inspire un grand coup et me force à rester calme tandis que Mira se rapproche de l'homme et lui explique d'une voix posée :