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Mira

À ma plus grande surprise Ezéchiel a devancé mes intentions et ma surprise s'agrandit d'autant plus qu'il sort son portable pour me le tendre. Fébrile je compose le numéro qui est gravé dans ma mémoire. J'active le haut-parleur et repose le téléphone sur le lit comme si l'objet me terrifiait tout d'un coup. Le silence de la pièce est coupé par les sonneries qui s'égrènent une à une tandis que l'angoisse monte en moi. Et si personne ne répondait ? L'idée me broie le ventre. Et soudain un « allô » fait voler en éclat le silence de la pièce. Je regarde Ezéchiel avec un regard interloqué, c'est quoi ce bordel ? Son regard est aussi surpris que moi tandis qu'il tend la main pour récupérer son portable et mettre fin à l'appel. On se regarde un instant sans rien dire avant que je ne brise le silence :

— On est d'accord que c'était bien la voix de Jarod ? Ma voix tremble légèrement.

— Je crois bien que c'était ça oui ?

— Mais... Pourquoi ?

— Aucune idée, me répond-t-il en haussant les épaules, Véga pensait peut-être qu'il pourrait t'acheter et te sauver.

— Tu sais que ce n'est pas son genre.

— Écoute Mira, je ne comprends pas plus que toi et ça serait bien qu'on dorme. Au pire tu lui poseras la question la prochaine fois qu'on le verra.

Je le regarde avec étonnement avant de demander :

— Parce qu'on le reverra ?

— Je crois que tu n'as pas compris Mira, tu ne me quitteras plus, je refuse d'aller où que ce soit sans toi.

Il baisse la voix et poursuit :

— En plus tu m'as beaucoup trop manqué.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine tout en peinant à assimiler ce qu'il me dit. Malgré moi les larmes me montent aux yeux et je viens me jeter dans ses bras pour le serrer avec force. Je sais que je perds totalement pied, que c'est n'importe quoi, que c'est totalement fou mais malgré moi je m'accroche à Ezéchiel comme jamais je me suis accroché à quelqu'un. Face à ma réaction je murmure timidement :

— Je ne veux plus te quitter non plus, j'ai trop peur sans toi. Je ne veux plus être seule, plus jamais.

Ezéchiel me serre maladroitement contre lui tout en passant tendrement sa main dans mes cheveux. C'est ainsi blotti contre lui que je finis par m'assoupir quelques heures jusqu'à ce que mes cauchemars récurrents de ces dernières semaine me réveillent en sursaut. Déjà réveillé sans que je ne sache comment, Ezéchiel me presse contre lui en me murmurant des paroles réconfortantes et en essuyant les larmes qui perlent de mes yeux. Ce n'est que quand mon corps arrête de trembler qu'il me demande d'une voix douce :

— Tu veux me raconter ?

Je secoue la tête avant de chuchoter :

— Ce n'est rien, j'étais juste encore là-bas.

Ezéchiel hoche la tête l'air songeur avant de murmurer :

— Je suis désolé.

— Je sais. Je suis désolée moi aussi, c'est de ma faute tout ça.

On reste ainsi enlacés de longues minutes jusqu'à ce que la fatigue me gagne et que je retombe dans les bras de Morphée.

Les jours suivants se déroulent dans une étrange torpeur, la route défile rapidement parfois entrecoupée de pause dans des hôtels ou sur des aires de repos. J'ai l'impression d'être là sans être là, comme dans du coton. Mon corps est bien là avec Ezéchiel et chaque contact de sa peau contre la mienne me le rappelle plusieurs fois par jour. Mais mon esprit est totalement ailleurs, resté coincé dans ce club sordide qui n'a de club que le nom. Je me revois y faire mes taches, mes corvées quotidiennes, mon enfer personnel. Mon âme erre dans ces limbes sans parvenir à s'en extirper malgré le monde qui défile sous mes yeux, malgré les tentatives d'Ezéchiel de me ramener dans le présent. Une mélancolie constante m'étreint le cœur, broie mon âme, morceau par morceau, miette par miette. Et je n'arrive pas à trouver la moindre issue dans toute cette noirceur.

TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant