Ténèbres

52.

Mira

C'est la main de John secouant mon épaule qui me réveille. J'ai à peine le temps d'émerger qu'il m'annonce :

— Prépare-toi on y va, on va être en retard sinon.

J'hoche la tête avant de prendre quelques secondes pour m'étirer. Je rassemble le peu d'affaires qu'Ezéchiel m'avait acheté ainsi que la peluche que John m'a offerte. Quand je rejoints les garçons en bas ils s'interrompent dans leur conversation. Ezéchiel m'adresse un long regard scrutateur mais se contente de souhaiter un bon voyage à son ami. Comme si tout était dit John m'entraîne à sa suite, j'aimerais dire quelque chose à Ezéchiel, au moins le remercier pour cette pause mais les mots ne parviennent pas à franchir mes lèvres. Je lui adresse malgré tout un regard reconnaissant avant de suivre John jusqu'à sa voiture.

Fidèle à mon habitude je m'installe à l'arrière avant de lui demander timidement :

— On va où ?

— À la gare, on va prendre le train pour Rome. J'ai un shooting de prévu ce soir donc tu vas m'accompagner.

— Ça sera une maison comme là où j'étais ?

— Non, lâche-t-il dans un rire, c'est dans un club. Tu as intérêt à bien te comporter et cet endroit sera une excellente motivation.

— Comment ça ? Dis-je en arquant un sourcil.

— On en reparlera ce soir Mira.

Comprenant que c'est peine perdue je n'insiste pas et me contente de hausser les épaules. Ce n'est qu'en arrivant à la gare que je prends pleinement conscience que je vais prendre le train. Bien que banale l'expérience a un goût d'interdit pour moi si bien que je me retrouve à suivre John sur le quai avec une impatience grandissante. Il me guide jusqu'à un wagon comprenant une suite de petits compartiments. John jette un œil sur nos billets avant d'en ouvrir un et de mes faire signe de m'assoir. Je m'exécute silencieusement et m'installe contre la vitre. Quelques instants plus tard, après le départ du train, je finis par demander :

— Ça va être long ?

— Même pas deux heures, je vais travailler un peu. Tu veux voir ?

J'hoche la tête curieuse et change de banquette pour venir m'assoir à côté de John. Il sort un ordinateur portable de son sac à dos et l'allume tout en prenant le temps de m'expliquer :

— J'ai de la retouche photo à faire, on va jouer principalement sur la luminosité, le contraste et la saturation.

Il lance un logiciel et sélectionne une série de clichés particulièrement explicites avant de jouer avec les différents paramètres qu'il m'a cité. John prend le temps de me montrer les effets de chaque réglage tout en m'expliquant comment il choisit l'intensité de ces derniers. J'observe les images changer d'atmosphère au fil des différentes modifications et bien que discret les changements sont tout de même conséquents. John sélectionne une nouvelle série de photo représentant cette fois une fille en petite tenue avant de me tendre son ordinateur en me proposant :

— Maintenant que tu as vu, tu veux essayer ?

— Je veux bien essayer, dis-je en me saisissant de l'ordinateur.

Je reproduits avec hésitation les différentes manipulations que John m'a montré jusqu'à ce que ce dernier me dise que c'est suffisant. On traite ainsi différentes séries de photographies pendant une bonne heure avant que John m'annonce que l'on a terminé.

Je le remercie pour le moment et reprends ma place contre la vitre. Je passe le reste du trajet à somnoler contre cette dernière jusqu'à ce que l'arrêt plutôt brutal du train ne me fasse réellement émerger.