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Mira

Je ne m'attendais pas particulièrement à une histoire joyeuse mais je n'ai pas soupçonné une seule seconde que ça puisse être aussi triste. Cependant le récit d'Ezéchiel est aussi une bonne mise en garde, hors de question que je me perde dans des délires et que je coupe tout contact avec la réalité. Il faut bien que mémorise bien que je suis toute seule dans cette situation de merde et que je vais devoir m'en sortir par moi-même. Un léger toussotement de la part d'Ezéchiel me sort de mes pensées, visiblement il a l'air de s'impatienter. C'est vrai que je lui dois une histoire à mon tour. L'idée de devoir faire ça me tétanise, je préférerais être n'importe où ailleurs, qu'il me fasse subir n'importe quoi plutôt que d'affronter les fantômes de mon passé. Je me résigne cependant à prendre la parole :

— Je ne sais pas... Je ne sais pas par quoi commencer, ni par où... Ce que tu me demandes c'est l'histoire de ma vie alors c'est plutôt long. Et j'ai aucune envie de fouiller dedans.

— Mais j'ai accompli ma part, à toi de respecter ton engagement Mira.

— Je n'ai pas vraiment accepté, dis-je en guise de protestation.

— Je ne t'ai pas entendu décliner mon offre pourtant.

Son regard sur moi est glacial et me donne l'impression que mes épaules portent un immense poids. Il a raison, j'aurais pu protester sur le coup mais j'ai accepté, je savais dans quoi je m'engageais. L'éclat dans ses iris m'assure que je n'ai aucune envie de savoir ce qui va m'arriver si je ne m'exécute pas si bien que je remets un peu d'ordre dans mes pensées avant de murmurer la voix tremblante :

— Je crois que ma vie a salement dérapé au collège mais j'aimerais te parler de l'avant ça te va ? Histoire que tu puisses pleinement comprendre...

À son tour il accepte d'un clignement des yeux avant que je reprenne la parole :

— C'était déjà naze avant, mais c'est là que j'ai vraiment commencé à faire des choix de merde. Si un jour tu connais toute l'histoire t'aura sûrement envie de me juger et je comprendrai mais essaie de garder ça en tête. J'ai grandi toute seule, j'avais pas de frère, de sœur ou même de vrai pote. Mes parents étaient quasiment jamais là à cause du travail donc j'ai pas vraiment de lien avec eux...

Je fais une courte pause en essuyant les larmes qui commencent à perler. Putain, je ne m'attendais pas à ce que les évoquer puisse me faire mal, ça me semblait tellement impossible qu'ils puissent réellement me manquer. Malgré tout je me force à reprendre :

— C'est pas que c'était de mauvais parents hein. Ils ont fait de leurs mieux et tout ça. C'est juste qu'ils avaient peu de temps parce qu'ils voulaient que je ne manque de rien niveau matériel et sur le temps restant on a jamais réussi à nouer de liens. Et comme eux même n'avait pas de liens avec leurs familles je me suis retrouvée dans une bulle de solitude.

— Puisque personne ne t'a jamais rien appris c'est les expériences qui ont fait que ?

Son regard se fait à présent plus curieux, il a l'air de pleinement comprendre de quoi je parle mais la présence de curiosité tend à me démontrer qu'il ne l'a pourtant pas vécu. Songeuse je me résous à lui demander :

— Toi aussi tu as grandi comme ça ?

— Non. J'essaie juste d'imaginer.

La réponse est froide et sans appel, comprenant qu'il est inutile d'insister je préfère poursuivre afin d'abréger mon calvaire :

— Du coup oui, j'ai grandi avec les règles qu'on m'apprenait en cours, que je voyais à la télé ou autour de moi mais c'est tout. Quand j'étais pas avec mes parents j'étais le plus souvent à la garderie où là aussi personne à vraiment de temps pour les gosses et mes baby-sitters étaient plus motivées par l'argent que par la vocation. Je leur en veux pas hein, c'est un bon job étudiant, sans doute mieux que videur.

TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant