Grandeur au théâtre - 1

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Elise et moi venons de franchir la porte vitrée du théâtre et s'ouvre à nous un majestueux paysage de pierres. Elise est une habituée des lieux tandis que je fais ici mes premiers pas. L'idée de venir ici me plaît depuis si longtemps. Pourtant, une espèce de force incompréhensible m'en empêchait. Je ne pouvais me résoudre à venir seul.

Alors j'ai attendu. Patiemment. Dès qu'Elise m'annonçait pouvoir venir passer quelques jours avec moi, j'ai sauté sur l'occasion. Elle fut belle, puisque plusieurs pièces de ballet étaient au programme. Deux places au huitième rang. L'attente fut longue, mais elle est déjà oubliée. Les pierres, la lumière, l'ambiance me font tout oublier.

« Merci de m'avoir proposé de revenir ici, c'est un vif plaisir ».

Elise a grandi ici avant de malheureusement m'abandonner pour d'autres contrées. Ses parents ont accepté de bien beaux postes loin de moi. Tout naturellement, elle n'a pu que les suivre puis, logiquement, encore une fois, elle a poursuivi toutes ses études sur place. Quitte à ne revenir ici que ponctuellement.

« Bien sûr, poursuit-elle, j'aime aller à l'opéra ou à des concerts mais... Ici, tout me semble différent. Surtout parce que c'est ta première fois ! »

L'assertion est accompagnée d'un coup de coude qui vient se loger directement dans mes côtes. Je retiens un cri de douleur qui serait accentué de surcroît par l'irrésistible envie d'éclater de rire.

« Garde tes allusions perverses pour toi !

— Perverses, tout de suite...

— Tu l'es ! Si j'avais su, je ne t'aurais jamais dit que je venais tout juste de ... »

Elise se jette sur moi pour me faire comprendre que ce sujet n'a visiblement pas sa place entre ces murs. Après réflexion, je crois en effet qu'aborder mon récent dépucelage avant un ballet n'est pas du meilleur goût. Pourtant, c'est une réalité. Pour ce sujet aussi j'ai attendu. Trop attendu.

A force de vouloir réserver mon corps à la personne que je jugerais digne de l'avoir, j'ai laissé mes désirs et mes envies se décupler à l'infini. Difficile, alors, à vingt-et-un ans de leur résister. Inscrit sur un site de rencontres, j'ai échangé quelques semaines avec un garçon de tout juste dix-huit ans.

Il ne se pensait pas gay, pas particulièrement. Ou du moins ne voulait-il pas l'annoncer, et ainsi le croire. A son arrivée chez moi, j'ai cru qu'il ne resterait pas cinq minutes. Il était superbe. Nageur, handballeur, son torse était dessiné sans être épais ou largement musclé. Une esthétique qui ne cherchait pas à impressionner.

Un film de deux heures occupa le temps qui suivit un verre d'eau. Dès que le film a été terminé, nos lèvres se sont rapidement trouvées. Pendant une heure, je pense. Puis nos corps se sont découverts, juste du bout des doigts ou de nos langues. Pendant plus d'une heure, nous avons découvert le corps d'un autre homme. Son intimité érigée aussi, longtemps. Avant d'enfin profiter l'un l'autre d'une autre intimité. Nous nous sommes endormis à 4 heures, enlacés.

Les petites folies de Kerray (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant