La Foudre Suprême - 3 -

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« Paul veut dominer, mais pas chez vous, pour garder la protection de la meute donc. C'est tout simplement être switch, non ? demande Andy.

— Exactement. Mais il ne se sent pas à l'aise non plus. Je me demande s'il ne confond pas les relations Ds avec la versatilité, précise Victor.

— Dans la mesure où sa demande portait sur la domination, autant s'adresser à ceux qui la maîtrisent le mieux, en-dehors de notre mode de vie, ajouté-je.

— Pour moi, il faut éviter d'aller voir ailleurs. Personne ne peut être passif pour lui dans vos omégas ? se ressaisit Mathieu.

— Et non... Ils n'y tiennent pas. Il n'y aurait guère que moi qui pourrais, mais cela ferait s'écrouler les principes mêmes de la pyramide à laquelle il tient. Comme nous.

— Je vous trouve tout de même plus souples que par le passé, nous pique Mathieu.

— Parce qu'ils mûrissent. Et nous vieillissons.

— N'exagérez rien.

— Et oui, Mathieu, nous avons trente-cinq ans, toi et moi ».

A cette remarque, le voici debout, se dirigeant vers le balcon du restaurant. Victor me fait signe d'y aller et rassure Andy : c'est une vieille histoire entre nous. Ce dernier acquiesce, peut-être même est-il informé. Je m'approche de Mathieu et passe ma main dans son dos, amicalement, donc légèrement.

« Pourquoi tu remues le passé ? Tu n'es plus heureux dans ta vie ? Les clubs te manquent ?

— Je ne fais que m'amuser un peu avec toi, mais loin de moi l'idée de te blesser. Je ne pensais pas que tu serais si sensible sur ce sujet.

— Comment ne pas l'être ? Nous nous sommes rencontrés quelques années après Stéphane. Tu as été l'une des plus grandes hésitations de ma vie, je te rappelle.

— Ne prends pas ce sens sacrificiel, Mathieu, moi aussi j'ai pesé le pour et le contre.

— Et nous étions arrivés à cette promesse ridicule.

— Elle ne l'était pas, elle était le signe d'une relation extrêmement profonde ».

Mathieu ne me regarde plus. Il laisse ses yeux se fixer sur l'opéra, au loin. Je pourrais m'en vouloir si je ne voulais pas, à cette occasion, crever ce vieil abcès.

« Si nos vies avaient été chaotiques, si nous n'avions été que des âmes errantes dans des mondes différents, vivre avec toi, à tes côtés, aurait été un plaisir.

— Tu m'aurais demandé d'abandonner...

— Je t'aurais offert la possibilité de me protéger, surtout.

— Pardon ?

— Il n'y a que Victor et toi qui parvenez à m'apaiser. Peu importe la manière, je t'ai toujours reconnu cette qualité. Et puis, tel que le disait Victor, tu es diablement beau ainsi ».

Mon doigt s'amuse du revers de son smoking. Ses yeux ne voilent même plus son émotion. Sa main se glisse dans mon cou, sur ma joue. Je ne sais pas ce qu'il compte faire, mais je ne bougerai pas. Je ferme les yeux. Je ne sens qu'une légère pression sur mes lèvres. Leur goût de vin m'indique leur propriétaire.

Néanmoins, quelques secondes après, le vin rouge est rejoint par un goût sucré, sans doute celui d'un cocktail, puis par celui de la vodka, acidulée. Je préfère garder les yeux clos. Le plaisir sensoriel nouveau dont je jouis me suffit amplement.

Les petites folies de Kerray (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant