Juste après - 3

1.1K 46 8
                                    

Dans son regard, je vois tout. Je sais ce qu’il me crie. Je sais qu’il pourrait me tuer. Il veut que je lui dise. Il veut savoir, comprendre. Mais je ne peux rien lui dire. Parce que je ne comprends pas moi-même.

« Je ne suis pas désolé ».

La gifle dont j’avais besoin est arrivée. Sa main a quitté mon cou en quelques dixièmes de secondes pour rejoindre ma joue. Le son a été terrible. J’ai mal. J’ai tellement mal. Mais il était temps. Quatre ans que j’ai fui l’homme de ma vie sans avoir mal. Comme si être loin de lui paraissait normal.

« Je me hais ».

Et celle-là, je ne m’y attendais pas. Non, pas une seconde gifle. Ni même qu’il resterait là. Je croyais qu’il me jetterais dehors. Je croyais qu’il me pousserait. J’étais sûr qu’il me repousserait. Il vient de s’effondrer sur mes pieds. Ses larmes ne sont plus seulement de l’eau salée, elles sont désormais des plaintes terribles qui s’enfoncent dans mon cœur.

Pourtant je ne suis que venu lui dire au revoir. Partir tel que j’aurais du le faire il y a des années. Vraiment partir. Et non pas simplement lui annoncer que je reviendrai. Je suis un monstre, tout simplement. Je suis revenu. Revenu pour lui dire au revoir.

« Je te hais aussi.
— Tu as raison.
— Pourquoi es-tu là ?
— Tu le sais.
— Tu n’as pas le droit. Plus le droit. Pas après quatre ans.
— Je dois te libérer.
— Me libérer de l’homme que j’aime plus que moi-même ? hurle-t-il.
— Oui ».

Il me regarde depuis le sol sur lequel il est assis. Il me tend une main, comme par le passé. Mais je ne peux pas la saisir. Ce serait diabolique. Voyant que je reste debout, il remet sa main sur le côté.

« Il y a quelqu’un d’autre ?
— Oui.
— Tu mens.
— Non.
— Arrête, tu ne m’as pas trompé, tu me l’as juré dans ta dernière lettre ! »

Il ne parle plus, il s’époumone. Je le regarde, déchiré.

« Je t’ai aimé. Mais je n’ai pas le droit de rester. Et tu le sais ».

Il m’a serré contre lui. Il a arrêté de pleurer. Je lui ai donné une dernière lettre. Il l’a déchirée, avant de ramasser les morceaux. Il a lu le mot suicide. Il a essayé de m’embrasser. J’ai refusé. Je suis parti. Définitivement.

Oui. Aujourd’hui, je m’en vais à jamais.

Les petites folies de Kerray (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant