L'Audace selon Joshua - 1 -

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« Et si nous prenions un verre après le travail ? ».

Quasiment chaque semaine, j'entends Joshua me poser cette question. Et chaque semaine, je décline.

« J'ai déjà prévu de voir des amis, je suis désolé ».

Je ne suis pas convaincu de l'être. Pour être désolé, encore faudrait-il que je sois déçu. Et que ce soit la vérité. Joshua se décompose et tourne les talons. Cette fois-ci, il n'insiste pas. Je m'en réjouis. Je n'ai pas envie de créer des conflits au sein de notre direction.

« Tu es dur avec lui, me lance ma collègue installée à quelques mètres de là.

— Je suis un de ses garants, s'il proposait à toute l'équipe, pourquoi pas.

— Et tu n'as jamais imaginé que c'était précisément pour cette raison qu'il ne souhaitait voir que toi ?

— C'est ridicule ».

Oui, c'est profondément ridicule. On ne propose pas à celui qui a été son formateur pendant sa semaine d'immersion d'aller prendre un verre seul. On élargit l'invitation au groupe entier ou bien aux collègues. Notre politique d'entreprise est claire : chaque nouvel arrivant suit une espèce de stage d'une semaine pour se mettre à niveau quant à notre culture.

Nous sommes tous contraints de nous prêter à l'exercice dès lors que l'on dépasse quelques années au sein du groupe. Étant donné que je travaille ici depuis que je suis diplômé, autrement dit depuis près de vingt ans, je ne suis pas parvenu à y échapper. C'est une responsabilité tournante. Chaque mois, le formateur change. Heureusement.

« Pourquoi refuses-tu ?

— Arrête d'insister, veux-tu ? m'agacé-je.

— Nicholas. On se connaît depuis un long moment. J'ai même été contrainte de suivre la même formation que lui, sous tes hospices.

— Et ?

— Tu as conscience que tu es exécrable ? crache-t-elle. J'essaie de t'aider et de te faire remarquer que Joshua t'estime. Vous avez vingt ans d'écart, tu es son mentor, ou que sais-je. Mais, non, Monsieur se pare de ses habits princiers et décline toute invitation. Il ne faudra pas vous plaindre quand tous les jeunes seront partis ou ne voudront pas même candidater ».

Je n'avais pas oublié notre écart d'âge, inutile de le rappeler. Mais je dois admettre que sa proximité – d'âge, toujours – avec Joshua ne peut que lui donner raison. Je n'ai pas envie d'être méprisant. C'est à cet instant que le concerné repointe le bout de son nez – littéralement, il n'ose pas entrer tant que je regarde dans la direction de l'entrée du bureau –.

« Joshua... On vient de me prévenir que ma soirée était reportée. Si tu veux... ».

Je n'ai pas le temps d'en dire plus que celui qui fut stagiaire dans cette maison laisse apparaître un sourire rare et sans doute précieux.

« Je t'attendrai dans mon bureau quand tu auras fini, je sais déjà où nous irons ! ».

Les petites folies de Kerray (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant