Caniculaire vente - 1

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Il n'y a rien que je déteste plus que la chaleur. Plus il fait chaud, plus je déprime. Plus je déprime, plus j'ai envie d'acheter. La fièvre acheteuse, littéralement. Alors évidemment, quand vient ma pause déjeuner, ma première action est de traverser la rue pour me rendre dans le grand magasin que je préfère.

Je n'y viens pas pour acheter, la plupart du temps. Je ne fais que passer et discuter avec les différents vendeurs à qui bien sûr je concède parfois quelques achats. Ils ont appris à me connaître, ils savent que je reviens toujours si je suis satisfait et si la relation avec le vendeur a été fructueuse.

Tous connaissent mon nom, m'appellent par mon prénom pour certains. C'est un réel plaisir que de les retrouver. Je grimpe rapidement au deuxième étage, tout simplement parce qu'il a le double avantage d'être à la fois le plus climatisé et celui des vêtements de ville. Etant donné que je travaille dans une agence d'assurances, le costume est de rigueur. Sauf en ces temps de fortes chaleurs, bien entendu.

C'est donc en polo à manches longues que je me présente aujourd'hui à ces yeux experts de la mode. Je découvre quelques têtes, mais retrouve surtout celle d'Aymeric. Lui et moi nous connaissons si bien que nous nous tutoyons et qu'il sait que je suis gay. Ce n'est pas une information capitale mais je n'ai pas pour habitude de la divulguer outre mesure.

A peine arrivé, le voici me tendant une main ferme et solide, accumulant les chevalières et les bagues à têtes d'animaux en tous genres :

« Benjamin, je me demandais où tu étais passé, tu m'as délaissé ces derniers mois !

— Pauvre chéri, je t'ai manqué ! me moquai-je.

— Peut-être bien après tout.

— Surtout mon portefeuille, en ces temps compliqués.

— Je ne te le fais pas dire, je n'arrive à atteindre aucun des objectifs prévus, c'est l'enfer, crois moi.

— Peut-être que pendant les soldes j'accepterai de te faire cet honneur.

— Ca va oui les chevilles ? Tu vas devoir t'acheter de nouvelles chaussures à ce rythme-là ».

C'est sur cette moquerie que lui et moi nous installons derrière son corner pour déjeuner. Il s'est acheté un sandwich à la boulangerie installée au troisième étage, tandis que j'avais bien sûr prévu mon taboulé maison. Ainsi qu'une part d'un flan pâtissier que j'ai pris le temps de préparer hier soir.

Nous échangeons assez longuement sur les différents concurrents et sur les marques de vêtements quand arrive le dessert. Je lui avais caché une petite attention, à savoir une part pour lui. Quand je lui présente, je vois dans ses yeux une gourmandise sans limite. Une gourmandise qui ne s'éteint pas quand il me regarde.

Encore moins quand il s'approche de moi. Encore moins quand son visage se fait de moins en moins éloigné, quand ses lèvres se présentent à moi, en articulant, tremblantes :

« Tu es décidément le plus adorable des clients ».

Les petites folies de Kerray (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant