La chaleur du chauffeur - 1

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Comme d'habitude quand je circule dans Paris, je me connecte à l'application Uber. Non pas que je veuille à tout prix éviter les transports en commun, mais je deviens rapidement claustrophobe dans ces souterrains. Mes amis se moquent souvent de moi mais je ne contrôle absolument pas ce que je considère comme un important handicap.

Une fois la demande effectuée, je m'installe à un café et téléphone à mon meilleur ami à qui, toujours, je raconte tout :

« Hey, Victor, ça va ? me répond-il.

- J'ai connu des jours plus excitants.

- Toi, tu as encore été déçu par un de tes plans ! »

Léger détail que j'avais omis de préciser : non seulement je suis gay mais je suis célibataire. Et disons que mon addiction au sexe est assez puissante, au point où m'en passer ne serait-ce qu'une journée peut me rendre glacial, exécrable et imbuvable. Des qualités peu valorisées dans nos sociétés il va sans dire.

J'ai donc autour de moi quelques sexfriends, que j'aime par ailleurs beaucoup. Nous sommes tout autant amants qu'amis, et il nous arrive régulièrement de nous voir sans penser au sexe. C'est important de pouvoir tisser des liens avec les gens avec qui l'on est intimes. Mais parfois, je l'avoue, j'ai envie de changement et, dans ce cas, les choses sont très rapides et sans lendemain.

« Tu as deviné ! C'était quasiment nul.

- A ce point ? D'habitude tu sais tirer profit de quelques avantages même chez ceux peu...

- Peu rien du tout, il ne sait visiblement pas qu'on peut être actif et sucer, et que j'ai envie de jouir moi aussi, et pas seulement par l'arrière ! Bref, je sors de là frustré et il va sûrement falloir que je retrouve quelqu'un.

- Tu ne changeras donc jamais...

- Non, pourquoi après tout ? lui demandai-je en souriant de ma propre bêtise.

- Tu es où actuellement ?

- A un café en bas de chez lui, j'attends mon Uber.

- Tu n'as qu'à aller dans les bras d'un des serveurs ! se moque-t-il.

- Ce ne sont pas ses bras qui m'intéressent ! Et puis il n'y a rien de bien fascinant chez lui honnêtement.

- Regarde du porno ! dit-il hilare.

- Je vais aller acheter Têtu plutôt. Allez, je te laisse, amigo ! »

Et après avoir payé, c'est effectivement chez le libraire que j'aurais au moins trouvé une satisfaction, à savoir dégoter le dernier sorti des magazines LGBT. Même si je n'aime en général pas les couvertures, je tiens beaucoup à le lire et à participer à sa survie. En l'occurrence, mon portable vibre, le chauffeur doit être arrivé. C'est parfait.

Je sors du marchand de journaux, et vois le jeune homme en question devant sa berline noire, apprêté de son costume. Je pense ne pas me tromper en affirmant qu'il est mon hôte. Il m'ouvre la porte après m'avoir salué, et je m'engouffre. Je rentre chez moi, j'aviserai depuis là-bas pour la suite de ma journée...


Les petites folies de Kerray (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant