Ma divinité - 3

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Je suis dedans. Je suis rentré. Rien n'a changé. Malgré les flammes, malgré les brûlures, malgré les blessures. C'est splendide. Je me sens enfin apaisé, enfin calme. Je sens effectivement sa force, sa puissance. Elle est tout autour de moi, pour me protéger. Ma divinité Opéra.

Il est mon Apollon. Mon Dieu des arts. Mon Dieu du Soleil. Mon Dieu de la guérison.

« Alvaro ! Par pitié, tu n'as rien ? »

Je vois des yeux verts au-dessus de moi, alors que je suis appuyé, ou plutôt allongé, sur les marches qui mènent à mon Opéra. Je me relève et tout autour, le monde est revenu. La place est remplie de public. Il y a les touristes habituels, les locaux toujours aussi pressés. La rue commerçante ne désemplit pas.

Ils sont plusieurs autour de moi, à me regarder comme si j'étais mourant. Peu à peu, rassurés, ils s'en vont. Il ne reste plus que lui.

« Je t'ai appelé des dizaines de fois. Je suis sorti à ta recherche. Je t'ai couru après. J'ai crié pour que tu m'entendes ».

Sa mèche châtaine ne cesse de lui revenir sur le visage, ce qui a le dont de l'agacer. Nerveusement, il l'envoie en arrière, en vain. Je ne réponds rien, je regarde juste autour de moi. Je vois mon Opéra, intact. Les fenêtres reflètent le soleil, la vie locale.

« Je suis tellement désolé de ne pas avoir mieux réagi. Je ne m'y attendais pas. Je te prie de me croire ».

Il serre ma main avec les siennes, avec la force que j'ai ressentie tout à l'heure. Il passe ses bras dans mon dos et ne cesse de se crisper. Comme tout à l'heure. Si mon refuge, mon Opéra, est intact ... alors qu'est-ce qui a bien pu brûler ?

« Nous sommes amis depuis si longtemps, Alvaro. Je n'imaginais pas une seule seconde que tu puisses ressentir ... tout ça ... pour moi ».

Il sanglote dans mon cou. Après m'avoir repoussé violemment tout à l'heure. Après m'avoir brisé. C'est moi qui me suis consumé à cet instant. C'est moi qui ai tout perdu. Et c'est mon Opéra qui a absorbé comme il a pu tous mes maux.

« Moi aussi, je t'aime. Je t'aime vraiment. Pas comme un ami ».

Sa voix se brise dans mon oreille. L'Opéra a terminé sa catharsis. C'est mon Apollon qui vient poser le pansement qui manquait. Je n'aurais pas dû fuir quand il m'a demandé de le laisser seul quelques minutes. Si j'avais été patient, j'aurais su qu'il ne venait pas de me refouler, de balayer des années d'amitié et d'amour.

Mon doigt sur sa joue détourne sa tête. Juste pour que je puisse déposer un léger baiser sur ses lèvres.

Les petites folies de Kerray (B&B)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant