Quand je m'installe à mon clavier quand tu n'es pas là, la terreur me prend. Clavier d'ordinateur ou de piano, me voici devant l'horreur du blanc et du noir, du noir sur le blanc. Je n'ai pas d'autre choix que de composer avec ces deux extrêmes. J'oscille de fait entre la joie et la tristesse.
Non pas parce que le blanc sera beau et le noir sombre, ou parce que je serais heureux face à l'immaculé blanc ou parce que le noir me rendrait nostalgique. Non, simplement parce que le noir donne du relief au blanc. Ou bien est-ce l'inverse, je l'ignore. Quand je compose, le noir vient ponctuer le blanc. Quand j'écris, mon écran colore en noir la page blanche.
Mais tu n'es pas là pour lire ou pour écouter. A quoi sert d'écrire et de jouer si personne n'est là pour se saisir de moi, de ce que je fais, de ce que je mets de moi en mon modeste projet. Quand je tremble face à la musique, quand je pleure parce que l'angoisse se saisit de moi, que je souris quand je pense à toi, quand j'éclate de rire quand je te lis, tu n'es pas là.
Je n'ai plus envie d'avoir ces temps-là. Ces temps que l'on dit si précieux, cette solitude si bienveillante, si parfaite qu'elle nous permet de mieux revenir aux autres et au monde. Pourquoi la voudrais-je encore quand le monde est vide sans toi. Ta présence n'est pas contrainte, n'est pas mur, n'est pas limite.
Être-là est définitivement la seule et unique façon dont je veux vivre, à condition qu'elle signifie aussi que tu sois là. Il faut être là ensemble sans quoi la présence même se vide de son sens. Un monde sans présence n'est plus qu'une ombre qui risque de se dissiper bien trop rapidement.
En lisant, en écrivant, en composant, je te cherche et dresse des portraits de toi qui ne parviennent jamais à atteindre ce que la muse propose. Quelle frustration es-tu, alors. Comment oses-tu te soustraire à mes mots, à mes inspirations, aux idées lumineuses des plus grands écrivains du siècle.
Quel infâme sentiment que celui de ne parvenir à dessiner les contours de celui dont la présence est si cardinale. Une boussole ne parvient jamais à se montrer elle-même. Je le répète, il faut être là pour constater la présence des autres. Mais je ne suis plus sûr que la solitude soit l'origine.
Quand je vibre de toute mon âme assis devant les œuvres les plus puissantes de la vie, je suis seul. Mais je ne le suis pas vraiment. Car je pense déjà à la manière dont je compte te parler. Il faut que tu me comprennes, que tu trouves dans mes mots le relief de toutes mes émotions, de tout ce que j'ai ressenti.
Dieu qu'il est compliqué de t'offrir l'intensité de mes perceptions, de mes vibrations et de mes sentiments. Comment fait-on ? Comment ont fait les générations avant moi pour trouver les mots justes, les notes exactes, les couleurs parfaites ? Nous ne sommes pas tous nés avec le même don, la même aptitude.
Moi, je sais seulement parler, un peu, parfois, quand tu m'écoutes. Le reste du temps, je me laisse consumer par des miasmes de tous types, prenant parfois le visage de la peur, parfois celui de la terreur, souvent celui de l'angoisse. Jamais de panique, parce qu'au fond, quelque part, je sais qu'il y a quelqu'un.
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Les petites folies de Kerray (B&B)
RomanceComme promis, voici le recueil qui accueillera les différents OS que je serai amené à écrire de temps à autres, sur les personnages des précédentes histoires ou bien sur de nouveaux. Toute suggestion est la bienvenue !