Est-ce une chance que de trouver quelqu'un ? Le trouve-t-on d'ailleurs. N'est-il pas là, attendant son tour dans la hiérarchie de la vie ? Pourquoi est-ce toujours si évident ? Malgré les conventions sociales, malgré les règles, malgré le passé, tout apparaît au creux de la main et s'impose.
Seule la musique sait être ainsi. La symphonie est le monde dans tout ce qu'il a de plus inaccessible. Nul besoin de regarder le monde quand il est à notre portée en tendant l'oreille. Inutile de parcourir la Terre quand ce qui compte c'est d'être à côté de la cardinalité définie par la vie.
Je n'ai rien décidé dans cette vie : je n'ai pas choisi ma famille, je n'ai pas choisi mes amours, je n'ai pas choisi mes amis. Ils m'ont amené à être là, quelque part dans le monde, avec l'envie de m'en tenir à lui. Je suis satisfait de ceux qui sont là, de ce que la musique me donne, de ce que l'amour m'offre.
C'est bien pour cela que la saveur du monde décline en ton absence. Les absents sont toujours plus nombreux que les présents. J'ai détesté de nombreux absents alors qu'ils ne pouvaient plus se défendre. Ils m'ont privé du présent et m'ont empêché de pleinement jouir d'un futur clair.
Dans le même temps, où serais-je sans les absents ? Coincé quelque part à leurs côtés, en n'ayant pas connu les présents. Dans leur absence, ils éclairent les présents. Le noir donne du relief au blanc, je l'acte ici. Sans poésie, sans certitude. Ce sera désormais la règle de la musique : les touches et notes noires entoureront les blanches.
Cette réflexion résolue me permet d'arriver à la suivante : pourquoi la solitude a-t-elle tant changé ? Pourquoi ne l'aimè-je plus ? Pourquoi ma fidèle accompagnatrice vient-elle soudainement de m'abandonner ? Pourquoi notre amour incandescent vient-il de s'éteindre avec une splendeur si éclatante ?
Tu m'as permis de rencontrer des dizaines et des dizaines d'hommes et de femmes. Celles et ceux qui ont composé, celles et ceux que j'ai créés. Leur lien est définitif. Quand je découvre un nouveau morceau, une nouvelle âme émerge. Chaque âme fictive est cousue à une suite de notes.
Chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe, tous sont enracinés sur une partition. Je n'écris pas d'opéras, et pourtant il n'y a pas de manuscrit sans musique. Comme il n'y a pas d'opéra sans livret et sans partition. Je ne suis pas compositeur d'opéra, je suis seulement celui qui a appris à tisser des lettres à des notes.
C'est un bonheur et un malheur à la fois. Je suis dépendant de tous les musiciens, de tous les compositeurs, de tous les doigts qui touchent un instrument, de tous les poumons qui soufflent dans les vents, de toutes les cordes, de tous les chefs qui tiennent leur baguette et qui m'obligent à suivre leur rythme.
Être auteur est tempétueux. Parfois, la page blanche reste vide. L'immensité de la blancheur est rejointe par le néant. C'est terrible, lorsque même la musique ne suffit plus. Elle est là, elle vous façonne, mais vos doigts ne trouvent aucune suite logique à associer. C'est triste, tout simplement.
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Les petites folies de Kerray (B&B)
RomanceComme promis, voici le recueil qui accueillera les différents OS que je serai amené à écrire de temps à autres, sur les personnages des précédentes histoires ou bien sur de nouveaux. Toute suggestion est la bienvenue !