Prologue ++

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Pour les plus patients qui ont un peu de temps à perdre (et l'envie de rendre service xD), voici ici un prologue retravaillé ! Le premier ayant été écrit il y a bientôt une dizaine d'année (avec retouches il y a 4 ans), il commençait à me chagriner un peu. Mais peut-être que je me trompe, je m'en remets donc à votre jugement éclairé pour me dire si ce prologue vous semble plus vendeur et mieux paufiné que l'ancien ^^ Merci à tous et toutes pour vos retours qui me seront très précieux ! <3


An 800 après la catastrophe de L'Aube – Saison de la vie

Le regard dans le vide, il songeait à son avenir...

À la lueur d'une lune d'argent, les plaines de Brazla s'étendaient à l'infini. Les bruissements dans les arbres et les divers hululements, glapissements et autres couinements résonnaient dans l'obscurité, véritable hymne à la vie nocturne. Une brise légère apporta avec elle le doux parfum de la forêt jusqu'à la fenêtre du demi-elfe, dont les sens frémirent sous l'assaut des saveurs.

Moïe, apaisé, presque assoupi, releva ses iris de cristal vers le ciel, pour abandonner sa contemplation des terres à la faveur des astres. La nuit brillait de mille feux, océan de perles scintillantes et mystérieuses. Mystérieuses pour nombre de Brazlaciens, mais pas pour le demi-elfe, qui les guettait avec patience. Son âme dérivait et avec elle, ses pensées les plus profondes.

Voilà cent-cinquante ans qu'il était mage dans ce château... cent-cinquante ans qu'il guidait ses monarques avec toute la sagesse qu'il pouvait offrir... cent-cinquante ans qu'il les suivait jusqu'à la fin de leur règne et de celui de leur descendance... cent-cinquante ans qu'il œuvrait pour la paix, la justice et l'équité... cent-cinquante ans... Moïe poussa un long soupir et s'affaissa un peu plus dans son fauteuil de velours grenat, non sans perdre son habituel port altier. Sa mémoire infaillible le ramenait souvent jusqu'à ses plus jeunes années, la douloureuse disparition de son père, le sacrifice de sa mère, le fouet de son beau-père, sa merveilleuse découverte du continent... jusqu'à son arrivée à Sora. Il ne se rappelait que trop bien le règne de terreur qui avait suivi bien plus tard sous le joug de Sar III, le Tyrannique. À défaut de pouvoir préserver le peuple, il avait su veiller au mieux sur l'héritier de la couronne : son bien aimé roi, actuel monarque du royaume. A force de douceur et de patience, de douce sévérité et de partage de valeurs, Moïe avait réussi à transformer ce petit roi prétentieux et dédaigneux en un homme plein de cœur et de sagesse. Sar Ier le Juste était né. Le mage ne put réprimer un sourire au coin de ses lèvres. Il entendait encore les escapades de son protégé à travers le château, suivit de près par son père, le fouet à la main et la main leste. Malgré son petit caractère déjà contestateur et révolté, il venait toujours trouver refuge dans les quartiers de Moïe, l'air de rien.

- Que fais-tu aujourd'hui, mage ? lui disait-il distraitement en ce temps.

- Je trie les archives, Mon Seigneur.

- Très bien. Je vais trier avec toi dans ce cas, répondait-il d'un ton sans équivoque.

Et il plongeait son petit nez d'enfant dans les piles de mémoire sans rien dire d'autre, si ce n'est quelques questions curieuses à la lecture de certaines informations. Moïe prenait alors un grand plaisir à lui répondre, à lui donner toutes la science qu'il possédait. Et il récoltait depuis six ans maintenant les fruits de son labeur. Jamais monarque n'avait été si adulé par son peuple. Moïe, à lui seul, bien qu' aidé par la vive intelligente de Sar, avait fait basculer le destin d'une lignée royale !

La voute céleste évoluait devant lui, glissait dans le temps sans moyen de faire demi-tour. Une similitude qu'il ne tarda pas à établir avec l'évolution de sa propre vie. Une vie constamment guidée par les autres, mais, néanmoins, sans la subir pour autant. Il avait, au fil des eaux, su apporter sa « pierre à l'édifice », comme dirait son roi. Le ciel décide parfois de pleuvoir, il laisse derière lui les traces d'un orage passé ou d'une sécheresse impitoyable, marquant sa course infinie de son humeur et de ses décisions. Moïe laissait son emprunte dans les esprits qui l'entouraient.

Le demi-elfe croisa ses mains avec fierté, et l'ébranlement d'une petite boule de poil, aussi douce que les nuages, se chargea de lui rappeler sa présence. De gros yeux verts se posèrent sur lui, accusateurs. A l'aide de minuscule pattes, noyées dans la masse pelucheuse écarlate aux reflets d'or, le petit animal roula plus haut sur ses genoux et retrouva sa digne place : le creux des mains de Moïe. Dans un grognement de satisfaction, le petit mulmopi* referma ses billes d'émeraude et retourna à sa sieste.

« Ah ! Tikou ! Tu ne cesseras jamais de me rappeler à mon devoir, soupira-t-il. »

Mémoire vivante des attentes de sa déesse, Tikou ne pouvait exister sans garder Moïe dans le chemin de sa destinée, mais depuis longtemps, Moïe n'aurait su exister sans Tikou. Il observa avec amour son petit compagnon espiègle et ramena son nez délicat dans les nuages.

Il libéra toute sa concentration à la face des astres, attendant sans faillir ce que seul lui pouvait voir : un signe. Son ami le ciel partageait souvent avec lui sa connaissance. Il lui indiquait la sagesse, le passé, le présent... et parfois même, en de rares occasions, le futur. Mais ce soir, Moïe n'eut pas le privilège de ses attentions, et plusieurs nuages arrivèrent, se faisant la course sans céder de terrain à leur adversaire. Moïe allait s'avouer vaincu, et quitter sa contemplation, quand un scintillement coloré brilla dans le coin de son œil. Il tourna machinalement la tête et vrilla son regard dans celui des étoiles. Le scintillement oscillait imperceptiblement, invisible à une âme ignorante des secrets du cosmos. Moïe bondit de son fauteuil vers sa grande armoire de chêne, sous les grognements contestataires de Tikou qui s'en alla rouler sous la table.

Le mage se saisit de son grimoire, l'ouvrit dans une volée de petits parchemins qui flottèrent dans la pièce et tourna les pages en les faisant bruisser avec fougue. Il trouva en un instant ce qu'il cherchait, se rua à la fenêtre et plongea ses yeux dans l'infini. Mais les nuages avaient terminé leur course et avait fini à égalité. Ensemble, ils avaient créé une brume épaisse qui coupa le contact entre les deux mondes terrestre et céleste. Dépité, Moïe resta figé, debout devant son grimoire et un ciel invisible qui ne finirait jamais de lui délivrer son message. Et quel message cela semblait être ! Moïe tremblait, incertain de la conduite à tenir. Ses doigts refermèrent le livre sacré dans un geste frêle.

Devait-il aller en informer son roi dans l'immédiat ? Devait-il avant tout trouver une solution par lui-même afin de ne pas étaler son échec ? Car oui, il avait échoué. Il avait échoué à écouter le ciel alors qu'il lui délivrait le message le plus important de son ère.

Tout ce qu'il savait, c'est que peut-être, il n'aurait pas souhaité en savoir davantage.

Lexique:

* Le Mulmopi: Animal pelucheux de couleur rouge vif ou bleu ciel. Petit, ses quatre pattes sont cachées par ses longs poils. Il ressemble ainsi à une petite poule de poil tenant dans une main adulte. On peut le trouver dans les vastes forêts de Flendïa.


Les Reliques du Damné - T.I TrahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant