Chapitre 12 - Griffes et Crocs

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Année 7 après L.P – (Saison de la vie)

Les sens aiguisés par la chasse, Athèlme ne répondait plus qu'aux imprécations des battements de son cœur, de ses veines qui s'ouvraient sous les assauts frénétiques d'un sang gorgé de l'énergie de la haine. Chacun de ses bonds le rapprochaient immanquablement de sa proie, gagnée par la faiblesse. Ce petit bipède hideux ne serait bientôt plus qu'un amas de chair amorphe, et cette idée lui donnait des ailes. Il s'envola finalement dans les airs et retomba férocement sur sa cible. Raï hurla sa surprise et son désespoir dans un cri qui fit frémir même les briques de la citadelle. La faune, qui avait assisté Athèlme dans sa course, attendait à présent au loin, laissant traîner des regards curieux sur ce qui s'annonçait comme un combat sanglant à venir. La fatigue les avait cependant arrêtés dans leur cavalcade, et il était peu probable que l'un de ces animaux ne soit d'une quelconque aide à Athèlme dans la suite des évènements.

Raï s'était retourné, et après avoir observé avec effroi la balafre qui ornait à présent son jarret, il fit face à la lionne prête à bondir une fois encore. Rien ne semblait plus pouvoir arrêter ce foutu gamin à présent qu'il avait perdu forme humaine. Le dompteur tenta d'ignorer les sueurs froides qui lui parcouraient l'échine et préféra se barricader derrière son habituel mépris. Si ce garnement sorien pensait pouvoir se retourner contre lui sous cette forme, il pouvait bien se fourrer la griffe dans l'œil. Il connaissait tout des engeances de son espèce, vaurien comme lion d'argent. Ah ! Ça oui ! Il en avait dompté des fauves et lui ne ferait pas exception. Empli d'un courage revigoré, Raï sortit de ses chausses un long canif dont le tranchant semblait rivaliser avec le regard perçant d'Ebe. Athèlme se tassa devant lui, les crocs à découverts, toutes griffes dehors.

— Alors, gamin ? On n'ose pas s'élancer de face n'est-ce pas ? Attaquer par derrière est plus à ta portée, à ce que je vois ! ironisa Raï avec un sourire jaunâtre étalé sur la face.

Athèlme poussa un grognement dont il sembla puiser l'origine dans les Profondeurs Abyssales. Sans crier gare, il se rua en avant dans un rugissement et Raï ne put que se jeter contre le mur pour esquiver l'attaque frontale. Les deux opposants s'affrontèrent ainsi jusqu'à épuisement. Du sang coula et inonda les couloirs de la citadelle, la pierre rougeoyante des murs éclaboussés sembla virer au bordeaux et les couloirs résonnèrent longtemps des hurlements de rage et de douleur du duel mortel. Bientôt, la douce toison argentée d'Athèlme n'était plus qu'un amalgame poisseux d'humeurs et de sueur, en parfait accord avec la crinière ébouriffée de Raï. A bout de force, Raï tenta une dernière fois de fuir, rebondissant entre les murs de l'étroit couloir, le pas lourd et les pieds boiteux. Mais cette dernière chance n'était pas au programme d'Athèlme. Il en profita pour lâcher ses dernières ressources et laissa libre cours à son instinct animal. Il s'élança, s'aplatit sous les talons du fuyard, et d'un coup de griffe parfaitement exécuté, il lui sectionna les deux tendons. Raï s'écroula dans un hurlement de douleur, voulu se relever, sombra à nouveau sur ses chevilles inertes et enfin, observa Athèlme de ses yeux sombres où seule une peur éclatante perçait. Il savait que c'était terminé. La mort dansait dans ses prunelles avec plus d'intensité à chaque goutte versée sur le sol rocheux des souterrains. Ce spectacle pathétique avait tout pour satisfaire les pulsions meurtrières d'Athèlme, mais il voulait plus. Il avait une promesse personnelle à tenir. Il devait s'assurer que Raï ne quitterait pas ce monde sans entendre ses dernières paroles d'adieu. Il s'éloigna du corps, déjà recouvert du manteau pâle de la mort, et se concentra pour regagner sa forme d'homme. Il s'y efforça tant et plus, mais rien ne se produisit et le destin ne lui laissa pas l'occasion de s'acharner plus que de raison. Des bruits de pas résonnèrent non loin des couloirs. Athèlme ne pouvait prendre le risque d'être vue et, non sans y laisser une partie de son âme, la lionne prit la fuite dans un grognement lugubre.

Les Reliques du Damné - T.I TrahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant