Chapitre 8 - Destins Tracés [Réécriture]

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-8 ans avant ADLP- (saison de la vie)

Le regard fixé au travers des carreaux ruisselants de sa tour, Moïe observait le paysage. Il venait de laisser les deux enfants aux mains de son roi. Finalement à cours d'argument et de courage, les parents avaient abdiqué face à leur monarque. Moïe devait bien admettre que Sar Ier savait être convaincant. Il comprenait un peu plus chaque jour son refus d'imposer son autorité tel un dictateur. Peu importe la situation, il la faisait toujours tourner en sa faveur sur le point final et ce, sans jamais hausser le ton.

La pluie ruisselait tant et plus, martelant le toit de la tour sans répit. Les jardins étaient noyés sous des flaques de boues et la grande cours avait retrouvé son calme, désertée par les visiteurs. Le demi-elfe quitta finalement son poste d'observation et s'activa à faire les cents pas sans relâche. Comment les peuples allaient-ils prendre la prochaine annonce du roi? Sar Ier allait devoir annoncer au continent tout entier que, selon son mage, les dieux avaient confié la sauvegarde de leurs terres aux mains de deux jeunes enfants paysans ignorant tout de leur pouvoir et de la magie elle-même. L'absurdité de la situation força un sourire de dépits sur les fines lèvres de Moïe. La situation demandait une union plus solide que jamais entre les cinq peuples de Brazla et pourtant, il était évident que cette future annonce allait les désunir plus que jamais.

Les Elfes comme les Mérolts auraient souhaité voir proclamé l'un des leurs. Ils auraient ainsi bénéficié de la renommée et du titre de "sauveur du continent". Or, les deux élus étaient tous deux des humains, la race considérée comme étant la plus faible de toute. A cette idée, Moïe poussa à long soupir, abattu avant même d'avoir planifié le discours. Sans même savoir par quoi commencer, il s'arma d'un parchemin et d'une plume, et commença la rédaction de l'annonce.

***

Sar Ier, après avoir congédié les deux familles, se rendit dans le boudoir où les enfants l'attendaient.

Tandis qu'il expliquait la situation, ils eurent tous deux une réaction bien différente. Athèlme bondit une fois encore de joie, oubliant toute sa retenue pendant que Malvina éclatait en sanglot. Le roi s'agenouilla auprès d'elle, posa une main douce sur son bras et s'équipa de sa voix la plus rassurante.

- Dit-moi Malvina, qu'aimes-tu faire plus que tout?

La fillette leva des yeux rouges et gonflés vers son interlocuteur au regard tendre. Elle essuya le bout de son petit nez du dos de la main puis prit la parole difficilement.

- Je... j'aime pouvoir jouer... avec les animaux, bégaya-t-elle.

- Je vois, c'est très bien ça. Tu as beaucoup d'animaux chez toi?

- Oui, mais ils sont dans la forêt, répondit-elle avec plus d'assurance.

Satisfait de voir sa psychologie fonctionner, le roi continua son discours un moment, visant à calmer l'enfant. Il lui raconta comment était les chevaux du château. Il lui expliqua comment on lui apprendrait à monter. La petite écoutait attentivement tandis que ses yeux s'écarquillèrent lorsque le roi lui appris qu'elle aurait son propre destrier d'ici quelques temps.

- Tu aimes ce château?

Malvina opina du chef, le rouge aux joues. A vrai dire, jamais elle n'avait vu pareils merveilles jusqu'à ce jour.

- Votre chambre se trouve au deuxième étage. Elle possède une grande fenêtre donnant sur les jardins.

Ratant une énième pirouette, Athèlme se redressa comme en sursaut en réaction à cette information.

- Notre chambre? Nous allons vraiment avoir une chambre dans le château?

- Eh bien, oui certainement. A moins que tu ne préfères dormir dans les écuries, je n'y verrais aucun mal mon garçon, s'amusa Sar Ier.

Malvina paraissait bien plus sûre d'elle à présent. Elle se laissait petit à petit gagner par l'optimisme inébranlable de son camarade. Après tout, le roi leur avait bien dit que leurs parents pouvaient rester quand ils le souhaitaient et c'était bien tout ce qui lui importait alors.

Athèlme et Malvina se précipitèrent dans la cours du château pour partir à la recherche de leurs parents respectifs. Bien que l'ambiance soit tendue, des amitiés se nouèrent. Karence et Edwinn passèrent une bonne partie de la soirée à discuter et rigoler avec Miranda et Syran. Athèlme et Malvina quant à eux jouèrent sans relâche à se perdre dans les couloirs de l'édifice. Les deux familles passèrent la nuit au château pour leur éviter un long voyage inutile. Sar Ier entre temps avait invités le reste de son peuple à trouver refuge pour la nuit avant une nouvelle cérémonie qui prendrait place le lendemain. Des lits avaient été préparés dans chaque pièce, permettant d'accueillir le maximum de visiteurs.

Au petit matin, tout le monde était réveillé et papotait gaiement dans la salle des buffets. Karence et Miranda échangeait quelques potins de leur village et s'amusaient des bêtises que leur progéniture avait pu commettre. Les hommes, eux, réfléchissaient à l'avenir de leurs enfants et neveu. Syran, l'oncle d'Athèlme, voyait son cher petit neveu devenir un grand guerrier mais Edwinn redoutait de voir sa fille partir pour l'aventure.

- Vous savez, ce petit rêve de suivre les traces de son père depuis sa naissance. Il serait né avec une épée entre les mains que ça ne m'étonnerait même pas, rigola Syran.

- Je dois admettre qu'il a l'air d'un vrai petit dur. A vrai dire, je ne pensais pas voir partir ma fille aussi tôt de la maison, avoua-t-il la gorge serrée. On ne dirait pas comme ça mais, c'est une vraie terreur. Finalement, ce n'est pas un destin si étonnant...

Les deux hommes continuèrent d'échanger leur ressenti sur l'avenir de leurs enfants et les conséquences de cette prophétie. Les femmes les rejoignirent après un moment, ajoutant leur point de vue sur la situation.

Les bavardages furent brusquement interrompus par l'apparition de Moïe dans la grande salle. Le visage plus fermé que jamais, il invita tout ce petit monde à le rejoindre dans la grande cours afin d'assister au discours du roi. Les cloches de l'appel résonnèrent dans tout l'édifice, et l'on vit rapidement la foule se masser sur le lieu de rassemblement. Patient, le roi attendait en haut de son balcon que chacun trouve sa place et que le public se calme, avant de lever les bras en prenant la parole:

- Peuples de Brazla, Nains, Elfes, Cavalier Creïs, Mérolts... C'est un véritable honneur de tous vous voir réuni en cette heure grave. Suite aux événements survenus lors des duels, une décision a été prise. Les deux héros de Brazla ont été découverts!

A ces mots, il désigna devant lui Athèlme et Malvina, les invitant à le rejoindre. Prenant les mains de ses protégés, il les présenta à la foule en contrebas qui déjà, laissait planer son mécontentement.

- Ces deux jeunes enfants ont fait preuve d'un courage inouï. Leur puissance dépasse de loin tout ce que l'on a pu observer jusqu'alors chez des enfants de leur âge. J'en fais témoigner les mages elfiques ici présents.

Moïe s'avança en compagnie d'un autre homme qui lui ressemblait fortement. Longiligne, des yeux de cristal et une tenue impeccablement droite, il observa la foule sans ciller. De profondes rides sillonnaient son visage, témoignages de ses siècles passés sur le continent. Lorsqu'il prit la parole, sa voix se répercuta sur les murs de la cours, sobre et déterminée.

- Que les dieux m'en soient témoins, moi, Las'Lishis, mage de Flendïa, confirme que jamais nous n'avons vu pareil prodiges. Le peuple des elfes regorgent pourtant de mages et de grands guerriers. Aucun d'entre eux, moi y compris, n'auraient su invoquer pareil pouvoir sans un lourd entrainement au préalable.

L'elfe recula et rejoignit son homologue, tandis que Sar Ier reprenait place au-devant du balcon. Ignorant la rumeur des commentaires qui survolaient l'assemblée, il reprit la parole.

- Les deux héros recevront donc l'entraînement nécessaire à la réussite de leur quête. Ainsi, dans exactement huit années, nos prodiges partiront accomplir leur destinée. Ils sauveront Brazla et chacun de ses peuples!

A ces mots, un mélange d'acclamations et de protestations se répandit dans l'enceinte du château. On pouvait apercevoir quelques mines interloquées à l'idée de laisser la survie de leurs terres à deux jeunes paysans inconnus. Quelques guerriers Mérolts froncèrent même leurs sourcils couleur algues, fermant les poings et se jetant quelques regards vexés entre eux. Les mérolts savaient par avance que leur souverain, Dal'Aqual n'allait décidément pas apprécier cette nouvelle. 

Les Reliques du Damné - T.I TrahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant