Chapitre 19 - Honneur et Respect

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Année 7 – (saison de la vie)

L'air des plaines de Sora était saturé. L'ignominie de la guerre faisait flotter une odeur de fer assez âcre pour révulser les estomacs les plus solides. La tempête de lames faisait rage depuis des jours. Les hommes étaient las, le seul écho encore présent était les complaintes des soldats, les cris de douleur des rescapés, les derniers hurlements des défunts. Même l'astre solaire avait cessé de briller. Il s'était revêtit de son voile, noir et brumeux, lui aussi endeuillé par la cruauté des vivants. La peine du ciel dégoulinait jusque sur les terrains, déjà boueux, des champs soriens, comme s'il avait espéré pouvoir laver toute la souillure déversée là. Mais le soleil et le ciel pouvaient bien se soucier de ce qu'ils voulaient, que pouvaient-ils donc bien faire ? Le sang, sur la terre, s'écoulait bien plus vite que la pluie dans l'air. Le tonnerre avait beau gronder, il était fort incapable de couvrir les rugissements des armes. Le vent, léger et délicat, pouvait bien souffler plus fort, qu'est-ce que cela changerait-il ? Les éléments, impuissants, étaient contraints d'observer ce chaos meurtrier sans ne pouvoir rien n'y faire.

Si Obsi n'avait pas préméditer quelque chose, c'était bien d'être vaincu par un être inférieur à son sang pur. Lorsqu'il avait touché Moïe au foie avec son sort, il avait vu le demi-elfe s'écrouler comme un pantin désarticulé avec un contentement qui ne cachait rien de son euphorie. Le bâtard était à sa merci, inerte devant ses pieds, là où était sa place. Obsi ne l'avait jamais formulé ainsi, même pas dans ses propres pensées, mais qu'un être aussi impur que Moïe puisse être considéré comme l'un des plus grands mages de Brazla, que cet avorton prétentieux et sans ambition ait bu devenir le conseiller du roi le plus influent du continent, était plus qu'il ne pouvait supporter. Sa haine l'avait dévoré dès lors et jamais n'avait cessé jusqu'à ce jour. Un sourire carnassier élargit ses lèvres fines tandis qu'il se rapprochait de Moïe pour lui soulever la tête. Il agrippa d'une poigne incontrôlée la chevelure poisseuse de son semblable pour l'observer de plus prêt. Moïe était inconscient, il pendait au bras d'Obsi, tout honneur l'avait déserté.

— Je t'avais pourtant annoncé ce qui arriverait, demi-elfe, cracha Obsi avec dédain.

Il relâcha sa prise et laissa la tête retomber avec un bruit sourd avant de faire mine de se relever.

C'est ce moment qui fut jugé opportun. Moïe s'enflamma d'une énergie électrique. Tout son corps n'était plus qu'un électron étincelant, vibrant d'un pouvoir dévastateur. Une onde de choc jaillit de ses deux mains tendues vers sa cible qui s'envola, véritable fétu de paille, surpassé par un vent trop violent. Toujours au sol, Moïe laissa ses mains retomber, incapable de tenir son corps plus longtemps et sombra à nouveau, non pas dans des limbes obscures mais dans ce qui semblait être un infini lumineux, irréel.

Obsi était au sol, la moitié de son visage pâle brûlé par la déflagration. Laissé à demi-nu par ses vêtements calcinés, il hurla de douleur et de honte, les deux mains sur ses chairs mutilées, avant de trouver refuge vers les bras tendus de la forêt. Il y rampa fébrilement, abandonnant sa dignité dans les miasmes de la boue. Le combat avait pratiquement cessé après cette démonstration de puissance. Quelques membres du Prisme prenaient la fuite, privés de tous mentors. Ils n'avaient pas revu Charb depuis son départ pour le Gouffre de Glace, Obsi venait de prendre la fuite sans se retourner et personne n'avait revu Tourma ni Ebe depuis la dernière défaite. Livrées à eux-mêmes, les pierres s'éparpillèrent sans se soucier du sort de leurs camarades les plus courageux.

C'est ce moment que choisirent les élus pour apparaître au loin, dignes et fiers sur leur monture. Un troisième voyageur les accompagnait mais ce détail n'avait aucune importance. Déjà les soldats de Sora reconnaissaient à l'horizon leur capitaine et clamait son retour. Les autres régiments ne montraient pas moins d'enthousiasme de les voir arriver vivants.

Les Reliques du Damné - T.I TrahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant