Chapitre 4: Une Nouvelle Innatendue [Réécriture]

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-8 ans ADLP -(Saison de la Vie)

Le visage déformé par la haine, Ébè se contorsionnait dans son lit, la sueur suintant par tous ses pores. Une paire de cornes, des griffes acérées... elle tentait désespérément de démêler les images qui s'imposaient à son esprit sans y parvenir. Le Grand se jouait d'elle. Il apparaissait et disparaissait sans cesse. Il changeait d'aspect, grandissait et rapetissait, se mélangeant en lui-même : bribes de corps informes et éparses. Ses cheveux de neige n'étaient plus qu'un nid hirsute fermement emmêlé et sa peau de lait luisait sous un rayon de lune passager. Ses hallucinations continuaient de se jouer d'elle et de son esprit quand soudain, deux ailes noires enveloppèrent son âme. Le temps s'arrêta, ses pensées calcinèrent, son corps se tendit, sa peau brûla et sa bouche s'ouvrit en un cri silencieux tandis que sa silhouette, cambrée vers le ciel, implorait son dieu.

En sursaut, elle se redressa sur sa paillasse et observa sa chambre, alors plongée dans l'obscurité. Seuls les rayons argentés de l'astre nocturne venaient lui tenir compagnie, se reflétant sur ses prunelles cendrées. Comme si la vérité venait de l'assaillir, la femme porta une main à ses lèvres rosées, camouflant ainsi son expression de stupeur. Le Grand venait de lui parler. Il s'était glissé en elle, lui avait susurré les mots vrais et avait éclairé ses pensées. Ébè ne savait comment réagir et hésitait entre l'euphorie ou la plénitude de cette nouvelle sagesse qui l'habitait désormais.

Un bruit de pas dans le lointain la rappela à la réalité. Après cette prémonition, aucun doute ne se faisait sur la nature de cette visite... la prophétie prenait enfin vie ! S'enroulant dans sa robe de chambre usée par le temps, elle alla accueillir son visiteur, ouvrant la porte en arrêtant ce dernier dans son geste, prêt à toquer.

L'homme qui se dressait devant elle la salua dans une vague révérence en réprimant de justesse un sursaut.

Ébè le mettait mal à l'aise. Il était incapable de soutenir son regard aux couleurs de métal fondu sans ciller. Il s'écrasa face contre terre devant les pieds du Premier Messager en signe de respect et attendit qu'elle l'invite à se relever.

– Relève-toi, serviteur, susurra-t-elle d'une voix presque irréelle, accompagnant ses paroles d'un geste souple de la main.

Suivant des yeux les longs doigts effilés de sa supérieure, le nouvel arrivant se releva doucement, comme sur une perpétuelle défensive. Son regard fou passait d'un côté à l'autre de la pièce sans discontinuer, guettant le moindre mouvement alentour.

– Il semblerait que Le Grand se réveille enfin ! murmura Ébè dans un semblant d'exclamation.

Ses yeux d'acier admiraient les contours d'une pierre noire, délicatement contrasté sur la peau de l'homme au teint d'albâtre. Elle était fermement incrustée sur le dessus de sa main droite ; signe divin et réel baume au cœur pour Ébè. Son regard fit frissonner le serviteur, toujours muet et tremblant.

– Tu ne crains rien avec nous, souffla-t-elle, suis-moi.

À ses mots, elle se retourna et s'avança en direction d'un petit buffet de bois noirci. Elle l'ouvrit en faisant pivoter le plan de travail et en ressortit une illustration malsaine. Un dieu cornu, entouré de feu et de nuage, se dressait au centre du tableau, menaçant. Son sourire machiavélique transpirait la ruse et la cruauté.

– Voici ton maître, Mélak. C'est ce dieu qui t'a créé. La trace que tu portes sur ta main gauche en est la preuve.

L'homme au teint blafard garda le silence, non moins tendu qu'avant. Il gardait ses gros yeux ronds et noirs grand ouverts, sursautant à chaque craquement du feu qui dansait dans le foyer.

Les Reliques du Damné - T.I TrahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant