Chapitre 13 - Deuil et Offrandes

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-3 Ans avant ADLP- (saison des brumes)

Athèlme, face à la nouvelle, ne sut comment réagir. Ses hommes étaient morts. Vingt de ses hommes avaient donc été éliminés inutilement – trente en comptant ceux de sa propre compagnie – à cause d'une fausse déclaration de guerre. Une tragédie, qui privait ainsi des dizaines de femmes de leur époux bien aimé et autant d'enfants de leur père. Le jeune soldat ne savait que trop bien ce qu'était une enfance privée de paternel. Une enfance sans exemple masculin, sans l'amour d'un père... Le visage de Jason s'imposa à lui, souvenir foudroyant. Avait-il, lui aussi, servit aussi futilement le royaume de Sora ? Athèlme ne parvenait pas à se rappeler si son père lui avait parlé de son statut de commandant, autrement qu'en termes fiers et glorieux. Cet homme avait voué sa vie à Sora, il avait servi un roi fou et obnubilé par la pouvoir. Il avait ensuite servit Sar Ier, ce fils prodige. Ce même fils prodige qui venait de mener à la mort trente soldats, trente hommes et femmes. Des personnes loyales, fières, combattantes... Sa gorge se serrait, ses pensées virevoltaient, s'égaraient dans les méandres de sa conscience. Athèlme n'avait pas bougé, il était resté planté là, devant les grilles, fixant un garde mérolt depuis longtemps disparu.

Malvina, voyant son ami ainsi perturbé, se hâta de le rejoindre et de lui poser une main légère sur le bras mais il ne sembla pas la sentir. Il restait debout, les yeux rivés dans le vide, le souffle court. Son interlocuteur insensible avait lui reprit place à un petit bureau et s'afférait tranquillement à quelques dossiers.

— Elme, murmura la jeune femme. Soit fort pour tes hommes. L'heure n'est pas au deuil, nous aurons le temps de les honorer à notre retour.

Le guerrier tourna un regard vitreux qu'il plongea dans les yeux tendres de sa sœur. Elle était son seul rempart, toujours présente depuis tellement d'années maintenant. Malvina décelait de la tristesse, de la détresse même dans ces iris aussi verts que l'émeraude la plus pure. Il était brisé, et cette nouvelle venait de faire ressurgir toutes ses peines enfouies. Jamais elle n'avait lu tant de souffrance sur le visage de son frère et cette peine l'atteignait en plein cœur. Elle la partageait sans ménagement avec lui, elle lutait pour en venir à bout, consumant sa force et son énergie pour contrer cet océan de mélancolie qui menaçait de les submerger. Elle devait être forte, pour lui, pour le royaume, pour leurs soldats.

Luvac, Moïe et les soldats restants gardaient les yeux rivés sur le général. Le demi-elfe ne pouvait que comprendre les émotions de son élève. Il connaissait tellement bien ses deux protégés... Il savait qu'il valait mieux laisser le soldat gérer l'information seul, et lui laisser un peu de temps. Luvac se surprit quant à lui à ressentir une étrange émotion. Il observait le jeune homme avec intérêt, sentant son cœur se serrer bizarrement et il se découvrait un certain malaise face à la scène... Serait-ce donc ce que tous appel de la compassion ? L'idée lui parut tellement grotesque qu'il la chassa d'un revers de main imaginaire de son esprit. Cela était tout simplement impossible. Voilà bien trop longtemps qu'il avait fermé son cœur à des émotions aussi futiles. Il se contenta donc de récupérer son masque détaché et attendit patiemment la suite des événements. Le petit groupe était toujours bien amoché et il rejoignit Moïe afin de lui apporter son aide pour panser les plaies des blessés.

Lentement, Athèlme récupéra ses esprits. Une flamme nouvelle alimentait son regard fier et ses larges épaules se redressèrent, articulées par une force invisible. Il ramena son attention sur ses camarades, puis sur les mérolts armés de l'autre côté des grilles. Malvina avait raison, l'heure n'était pas à l'effondrement. Relevant un menton volontaire il récupéra son expression déterminée que ses hommes lui connaissaient. Chacun l'observait curieusement, attendant ce que le général avait à dire. Il s'apprêtait à prendre la parole, mais un bruit au fond des sous terrains le coupa. Des bruits de pas se répercutèrent sur les murs humides des galeries, puis le tintement familier des cliquetis de clés. Se dessinant dans la pénombre, un garde se rapprocha de leur cellule.

Les Reliques du Damné - T.I TrahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant