Chapitre 24

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Il est quatre heures du matin quand elle se réveille. Encore un cauchemar. Diane se lève et va chercher son café. Les lumières sont toujours allumées à l'Élysée. Elle voit des barrières s'installer. Des touristes font partie des victimes. Le Président des États Unis est arrivé hier. Diane sent une boule l'envahir. Elle se demande vraiment si c'est une bonne idée l'hommage qu'elle souhaite leur rendre. Elle attrape son téléphone et cherche le numéro de Marie. Diane lève les yeux au ciel.

« Je m'en fiche de ce que les gens pourront penser. Je le fais pour vous. Vous méritez que l'on ne vous oublie jamais. »

Elle repose son téléphone et se dirige dans sa chambre. Quand elle en sort, Diane est magnifique. Une magnifique robe noire tombante jusqu'aux pieds. Un chignon relevé où elle a enfoncé une rose blanche. Un long collier qui dévoile en pendentif une colombe en strass. Diane regarde l'heure. Il est sept heures trente. Elle écoute une dernière fois la chanson qu'elle doit interpréter mais elle est dérangée par la sonnerie du téléphone.

« C'est Stéphane. Comment tu vas ? »

« Je ne sais pas. Je me dis que j'ai eu une idée à la con et je commence à regretter. »

« Tu n'as jamais d'idées à la con, Diane. Tu vas leur rendre le plus bel hommage. J'ai confiance en toi. »

« Tu crois vraiment ? »

« Toi même tu disais qu'il fallait de la sincérité en politique... Les gens vont se rendre compte que ce mandat sera différent de tous ceux qu'ils ont connu jusqu'à présent. »

« Stéphane... Ce n'est pas politique ce que je fais. Marie m'a ouvert les yeux. C'est ma manière de leur dire au revoir et d'aider les familles à faire leur deuil. »

« On se verra une fois là bas ? »

« Oui. »

« Diane ? »

« Oui ? »

« Merci pour ce que tu fais pour eux. »

Il raccroche et Diane ouvre la porte de chez elle.

« Ouah ! Diane ! Vous êtes magnifique ! »

Cyril a les yeux écarquillés.

« C'est pas un peu trop ? »

« Oh non... »

Diane monte dans la voiture qui la dirige vers les Invalides. Cyril est avec elle.

« Madame Moreno m'a dit ce que vous alliez faire. »

« Vous trouvez ça pathétique ? »

« Non... Je suis désolé du langage mais vous êtes la seule à avoir les couilles de le faire. »

Diane rigole.

« Je ne sais pas si elles seront toujours présentes tout à l'heure en présence des familles. »

« Ils vont être fiers... Vous pouvez me croire... Vous allez les rendre inoubliables. »

« C'est le but, Cyril. Je ne veux pas qu'on les oublie. »

« Alors là, Diane ! C'est clair qu'on ne va pas oublier cet hommage ! »

« Je ne veux pas être au premier plan. Je veux faire passer un message. »

« Il va passer, j'en suis sûr. »

« Merci Cyril. »

La voiture roule jusqu'aux Invalides. Diane remarque les rues quasiment vides.

« C'est bizarre de voir Paris si vide. »

« C'est jour de deuil. Les français respectent cela. »

« J'espère ne pas les décevoir. »

« Je suis sûr du contraire, Diane. »

La voiture s'arrête.

« Ils sont déjà là ? »

Diane regarde par la vitre et remarque des journalistes.

« Toujours là. »

Il ouvre la portière et prend la main de Diane. Ils marchent rapidement jusqu'à l'entrée. Diane s'arrête. C'est immense et tellement vide. Les tonnelles sont déjà en place. Des centaines de chaises.

« Je reste toujours à côté de vous, Diane. »

Elle le regarde en avançant. Le soleil commence à briller aux Invalides. Diane sent les larmes lui monter aux yeux. Les soixante huit visages sont devant elle. Chaque visage posé sur un chevalet. Deux petites croix au sol. Tout est tellement millimétré... Jusqu'à l'emplacement de leur cercueil. Elle passe devant chaque visage pour arriver au pupitre où le Président rendra son hommage. Juste à côté, un piano noir est installé. Diane passe sa main dessus.

« Vous êtes sûr que je ne fais pas la plus grosse connerie de ma vie, Cyril ? »

Il touche à son tour le piano.

« Non... Vous allez faire la plus belle des déclarations d'adieux. »

« Je ne les connaissais pas mais... Je ne sais pas comment l'expliquer... »

« Vous ressentez une douleur comme si vous veniez de perdre un membre de votre famille. »

Elle le regarde.

« Oui... C'est ça... »

Diane s'assoit et laisse échapper quelques notes sur le piano. Cyril ferme les yeux.

« Les gens vont enfin se rendre compte qu'il est possible d'avoir du cœur dans la politique. »

Elle lui sourit.

« Merci Cyril. »

Diane se retourne. Un bruit de chariot assombrit le silence des lieux.

« Bonjour. Je fais partie du service Presse de l'Élysée. Mademoiselle Tinel ? »

Elle se lève et serre la main de cet homme aussi barbu que le Père Noël.

« Bonjour. Oui c'est moi. »

« Très bien. On vous a expliqué le déroulement de l'hommage ? »

« Non... Mais je ne veux pas connaître le programme... Je suis là pour rendre un dernier hommage à ces personnes. Pas suivre un cours de comédie. »

Il baisse les yeux.

« Très bien. Les invités vont arrivés d'ici vingt minutes. Vous devez aller attendre le Président et sa femme sous cette tonnelle. Vous devez juste savoir que le couple passera une première fois saluer les familles et les invités de la classe politique. »

Diane lève les yeux en regardant Cyril qui essaye de ne pas rire.

« Ensuite les cercueils vont arriver et c'est là que vous entrez en scène et... »

« Je ne rentre pas en scène, je ne suis pas à un concert. »

« C'est une manière de parler. Bref... Ensuite, le Président rend son hommage, quand il descend du pupitre, vous vous levez avec sa femme, et vous le suivez pour voir les cercueils. »

« On ne m'avait pas dit ça ! Je devais rendre l'hommage au piano et ensuite aller m'asseoir et ne plus bouger. »

« C'est pas ce que j'ai de noté sur mon planning. »

Diane se dirige en direction de la tonnelle.

« Il m'avait dit que ça ne serait pas politique. »

Elle part furieuse et Cyril la rejoint.

« Diane. Calmez vous. »

« Cela devait être humain... Pas scénarisé ou je ne sais quoi ! »

Cyril la dirige vers la tonnelle, l'assoit et reste debout. Diane contemple les portraits.

« Ils avaient la vie devant eux. »

Cyril pose sa main sur son épaule sans rien dire.

Soumise à son étatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant