Stepbrother

XXIV

J'ouvre doucement les yeux. Je sens une masse chaude et endormie dans mon dos. Je me retourne contre Loan encore endormi. Il semble tellement paisible et ça me fait plaisir de voir qu'il ne souffre pas tout le temps non plus.

Je passe délicatement ma main dans ses cheveux sans le réveiller et je me lève. J'enfile un jean, passe par la salle de bain où un petit kit avec brosse à dents et dentifrice est fourni. Puis je descends au diner pour aller chercher à manger pour le petit déjeuner. Pas de viennoiseries mais ce n'est pas très étonnant, c'est français et nous ne sommes pas du tout en France. Je prends donc des petits pancakes accompagnés de pâte à tartiner, confitures et sirop d'érable. Avec ça, deux grands cafés et deux jus de fruits. Je prends tout ça à emporter et rejoins le motel avec mon butin. Lorsque j'entre à nouveau dans ma chambre, Loan y dort encore. Il s'est tourné et étant torse nu, je peux voir son dos qui m'intrigue tant. Je vais déposer sur le bureau le petit déjeuner puis m'assois sur le bord du lit, dos à lui. Je vais pour passer ma main dans ses cheveux et le réveiller mais je m'arrête en remarquant quelque chose. Je suis abasourdie.

Derrière l'encre, au delà de tout ce noir, il y a quelque chose. Il y en a même plein, une multitude de petites bosses. Des cicatrices et des brulures. Voilà ce qui se trouve partout sur son dos. Des ronds et des traits un peu en relief. Des marques de cigarettes et des cicatrices plus ou moins grandes faites Dieu sait comment. Je me permets d'en effleurer plusieurs mais ça me tue. On lui a fait du mal. Et je suis sure qu'il en est conscient. Je pourrais me dire que c'est le soir de l'accident qu'on lui a fait ça mais il ne m'en a pas parlé hier et puisqu'il ne se rappelle pas vraiment de ce soir là, il aurait pu ne pas le savoir. Mais je sais au fond de moi que c'est autre chose. Je sais que c'est pour ça tous ces tatouages, c'est pour cacher ça. Cacher sa souffrance.

Je n'ai plus accès à son dos car il se retourne et me regarde. Je le regarde, tellement triste.

-Loan...

-Ne pose pas de questions. Je ne suis pas en état.

Son ton est sec et je le comprends, je viens d'entrer dans une phase de son intimité. Et j'ai encore cette impression d'être allée trop loin. Je me lève du lit en essayant de rationaliser à ce sujet mais je n'y arrive pas.

-Je vais m'habiller et on y va ? Je veux rentrer, me dit-il.

-Oui, pas de soucis.

Il file dans la chambre d'à côté. De mon côté, je range mes quelques affaires et je l'attends devant les chambres. Il sort après quelques minutes. Il a le visage fermé donc j'évite de lui parler pour ne pas le braquer encore plus. Nous descendons à la voiture et une fois nos quelques affaires dans le coffre, il se plante face à moi.

-Tu as ton permis ?

-Euh...oui.

Je fronce les sourcils, pourquoi me pose-t-il cette question.

-Tu te sens de conduire ?

-Je...oui. Je n'ai jamais conduis ce genre de voiture mais ça ne doit pas être très différent.

Un rictus né sur ses lèvres me faisant penser que j'ai tort. Il fouille la poche de son jean et me donne les clés.

-Je ne me sens pas de conduire, j'ai mal à la tête donc si ça ne te pose pas de problème...

J'acquiesce et me faufile derrière le volant. Il se laisse tomber sur le siège passager puis ouvre la boite à gants pour en sortir une casquette qu'il visse sur sa tête, surement pour la lumière.

-J'ai acheté le petit dej' out à l'heure, je lui apprends en réglant le siège.

-Tu ne comptes pas manger dans ma voiture quand même ?