𝑨 𝑩𝒍𝒂𝒄𝒌 𝒔𝒕𝒐𝒓𝒚 [TERMINÉ]

~Twenty-six

-"Que fais-tu là ?"

Elle ne daigna pas poser ses yeux sur lui et claqua ses doigts pour appeler Morroi, qui arriva quelques secondes plus tard.

-"Fais-le sortir." D'un geste de la main elle lui fit signe de partir et Morroi baissa la tête.

-"Madame, navrée mais je pense qu'il vous sera d'une grande aide durant cette péri-"

-"Je t'ai donné un ordre !" Hurla soudain Alhéna, et sa voix résonna dans l'immense manoir. Elle se recroquevilla dans son fauteuil. "Je me suis emportée." Elle inspira et parla d'une voix calme. "Fais-le sortir immédiatement."

Il y eut un silence.

-"Bien madame." Murmura sa domestique la gorge serrée, mais l'homme ne se laissait pas faire et la poussa légèrement sur le côté avant d'entrer dans le salon, ses pas claquant sur le parquet.

-"Je ne partirai pas, ça ne sert à rien de tenter." Il s'approcha. "Tu ne feras qu'échouer."

-"Morroi." Refusant toujours de le regarder, elle resta dos à eux et attendit que cette dernière réponde. "Prend la calèche et va prévenir les autorités que Sirius Black est entré dans ma demeure."

Sirius regarda Morroi et lui fit signe de ne pas bouger, et prenant un risque elle monta dans sa chambre sans un mot.

-"Je ne veux que te parler."

Il continua de s'avancer jusqu'à se placer droit devant elle, et eut un pincement au coeur en voyant sa longue robe noirâtre, son visage cachée par son voile en dentelle.

-"Tu peux enlever le voile après l'enterrement." Il voulu sourire mais elle leva alors les yeux.

Ses yeux rougis par les larmes et les années qui l'attendaient.

Il chercha du coin de l'oeil une fauteuil ou s'asseoir mais la pièce était complètement vide. Ne restait que celui sur lequel elle était.

-"Qu'est-ce que tu viens faire ici ? Je ne veux pas te voir. Je ne suis pas d'humeur à te haïr."

Il ne dit rien et joua avec sa bague.

-"Réponds." Elle grinca des dents et il ne répondit pas, avant de regarder le plancher et de finalement lever les yeux vers la tapisserie, les objets de décoration tout autour.

Il laissa échapper un rire amer.

-"Rien n'a changé. Tout est exactement comme avant."

-"Tu n'es pas encore passé chez Walbugra."

Elle regarda la photo de sa grand mère avec sa grande tante face à elle, quelque peu cachée par les dentelles du voile qu'elle portait sur le visage.

-"Je n'ai jamais eu le droit d'entrer dans vos chambres. A toi et oncle Regulus."

Il sourit.

-"Ça ne m'étonne pas. Elle voulait oublier sa honte. Nous. Nous étions sa honte."

-"Absolument pas." Elle ne le regarda pas mais posa ses yeux sur ses bagues. "Vous étiez malgré tout ses enfants, et elle vous aimait. Elle s'en est voulu : c'est demandé à quel moment son éducation avait échoué."

-"Je suppose que tu es devenu sa plus grande fierté."

-"Elle n'a pas vécu assez longtemps pour le savoir."

Il y eut un long silence.

-"En tout cas, tu es la mienne." Il voulu s'approcher de nouveau d'elle mais elle recula dans son fauteuil et il s'arrêta soudain, les yeux teintés de remords. "Tu es ma fierté."

-"Tu es ma honte."

Il ne répondit pas.

Elle voulait qu'il parte. Elle ne le voulait pas ici. Elle ne voulait personne. Personne n'avait le droit de venir sur cette terre, terre qui était désormais sienne.

Sienne depuis près de trois semaines.

Draco n'avait pas insisté : il n'était pas venu.

Mais lui. Sirius Black. Il se permettait de venir chez elle, dans la demeure des Black alors qu'il en avait été renié. Son nom avait été brûlé sur la tapisserie.

-"Pars." Répéta la jeune femme.

Il ne répondit pas.

Mais il ne partit pas : il s'assit par terre près des bêtes et des rats, et regarda les photos autour d'eux.

Elle ne dit rien : fit semblant de ne pas le voir.

Morroi finit par redescendre après quelques heures, et leur apporta du thé que Sirius prit et qu'Alhéna déclina, encore.

Elle ne savait pas pourquoi elle avait autant de mal à se remettre du trépas de son grand oncle : elle l'avait beaucoup aimé, mais pas plus que Walbugra ou Lucretia.

Mais peut-être était-ce ça, justement. Cette accumulation. Elle avait eut Lucretia lors du trépas de Walbugra. Avait eut Ignatius lors du trépas de Lucretia. Et qui avait-elle eut lors du trépas de ce dernier ?

Personne.

-"Je suis là."

Elle releva les yeux vers Sirius, pensant avoir parlé à voix haute, mais il sourit.

-"Je suis là." Il désigna une des photos et elle la regarda.

Il était là. Avec Regulus et Walbugra devant le manoir de cette dernière - manoir qui lui appartenait également désormais.

-"Oncle Regulus était bien habillé." Elle ne fit aucune remarque sur la chemise ouverte de Sirius mais il eut un sourire en coin.

-"Regulus a toujours été la fierté de papa et maman."

Papa et maman. Elle voulut rire tant sa familiarité était hilarante. Il était tant différent d'elle. Comment pouvait-on tomber aussi bas avec une éducation telle que la sienne ? Elle ne comprenait pas.

-"Grand-mère était très enjoué, à en voir son sourire."

Il termina d'admirer la photo et posa ses yeux sur la jeune femme qui, pour mieux voir la photo, avait retiré son voile.

Ses yeux en amande, aussi bleus que les saphirs autour de son cou.

Ses mains fines et pâles, cachées sous ses mitaines en soie noire.

Ses épaules fébriles enveloppées de ses manches bouffantes, sa taille serrée par son corset sous sa robe, ses pieds cachés sous les pans de sa robe, ses oreilles alourdies par ses boucles d'oreilles en diamant, ses clavicules à découverts, ses lèvres humides entretenues par son huile, son nez retroussée semblant désigné le ciel de son bout envieux.

-"Qu'as-tu ?"

Il releva les yeux vers les siens qui le fixait comme s'il était soudain devenu fou, et il eut un doux sourire.

-"Rien." Murmura-t-il alors qu'il aurait voulu dire tout. "Ce n'est rien."

Et elle remit son voile pour cacher ses yeux pétillants.