~Fifty-nine

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-"Ça fait déjà quatres heures."

Harry regarda l'horloge du salon des Weasley, et Molly soupira en terminant de couper ses carottes.

-"Ne te préoccupe pas d'eux, Sirius peut s'occuper de sa fille tout seul."

Remus jeta un coup d'oeil entendu à sa femme qui grimaça.

-"Justement." Dit-elle. "Non."

Le loup-garou se leva et mis son manteau, ressentant un étrange pressentiment lui serrant le coeur.

-"Que veux-tu qu'ils leur arrive ?" Soupira Molly en s'essuyant les mains. "Ils sont juste allés chercher sa baguette."

-"Ce sont des Black." Justifia Tonks en se levant et tapotant le bras d'Harry pour qu'il se lève. "Ils nous arrivent toujours quelque chose."

Ce dernier ne se fit pas prier et prit son manteau en toute hâte, saluant Ron et Hermione avant de suivre les jeunes mariés dehors.

                            *****

-"Debout."

Silence complet.

-"Debout, Eden. Lève-toi."

Alhéna sentit un souffle sur son nez gelé, et cligna ses yeux secs pour les humidifier, reprenant soudainement ses esprits.

Elle se releva d'un coup sec, cherchant Sirius des yeux comme par réflexe.

-"Siri-"

Sa voix mourut dans sa gorge lorsqu'elle posa ses yeux sur les baguettes négligemment posées sur le sol, près de l'arche silencieuse.

Elle ravala sa salive et sentit son coeur lentement se décomposer de nouveau.

Alhéna se releva, fébrile, et attrapa les baguettes qu'elle rangea dans son corset avant de se mettre à marcher vers la sortie sans un mot, les yeux dans le vague.

Prévenir Harry.

Trouver Harry.

Voir Harry.

Harry.

Harry. Harry. Harry. Harry.

Il était désormais la seule chose qui lui importait, et elle profitait du fait qu'elle n'ait pas encore tout a fait assimiler les évènements passés et la disparition de Sirius pour continuer d'avancer pas à pas.

Mais elle le savait.

Au fond d'elle-même, elle sentait ce grand vide. Ce trou béant, quelque part dans son coeur.

Elle n'eut pas la force d'essuyer ses joues trempés et laissa ses larmes rouler, les bras ballants, remontant le hall vide à cette heure si tardive.

Elle sortit finalement du ministère, se rendant compte qu'elle avait oublié son manteau en fourrure dans la salle et que le vent froid caressait sa peau nue et tentait d'attraper ses cheveux, las.

Elle se tourna vers son balai près du Sombral.

Elle pouvait le voir, étonnement. La magnifique créature dénuée de poils, nue, et pourtant si belle dans sa vulnérabilité.

Elle s'approcha de son balai et s'assit dessus, mais soudain il chuta et s'écrasa sur le sol.

-"Debout." Murmura-t-elle la voix brisée, mais son balai ne bougea pas. "Debout."

Elle le répéta plusieurs fois mais rien n'y parvint : il était comme mort lui aussi, inerte, vide.

Alors elle se releva et s'avança vers le Sombral, laissant son balai seul et brisé, elle grimpa sur le dos de l'animal à la robe noire.

-"Ramène-moi à la maison."

Son timbre mourut dans sa gorge, et le Sombral s'inclina devant le ministère comme pour promettre à celui qui ne pouvait plus qu'il veillerait sur elle. Puis il déploya ses grandes ailes sombres, et s'envola sans un bruit, sans un son, laissant le silence les ronger tous deux comme un rat grignotant son repas jusqu'à la moelle.

Alhéna posa son regard sur le paysage, mais alors qu'à l'allée il semblait si incroyable, il avait perdu sa couleur sur le chemin du retour.

Elle regardait sans admirer, ayant perdu ses sens pour ne se focaliser que sur un nom.

Harry Potter.

-"Seigneur." se mit à murmurer Alhéna en joignant ses mains sous sa poitrine. "Toi qui es un père pour tous les hommes, toi qui nous aimes d'un amour infini, sois à mes côtés, aide-moi, donne-moi la force de me relever. Accueille Sirius comme un père accueille en sa maison. Donne-lui la paix et le bonheur que tu promets à tous tes enfants. Que son amour né sur cette terre grandisse auprès de toi pour mieux me consoler et me redonner goût à la vie. Que son amour uni à ton propre amour soit pour moi source de force et de courage jusqu'à ce que je le retrouve enfin pour partager ton amour dans la lumière de ta maison."

Elle sentit ses yeux brulés se remettre à pleurer, et retint un sanglot, serrant ses mains de plus en plus pour s'empêcher de s'effondrer.

-"Donne-lui, Seigneur, le repos éternel, et que brille sur lui la lumière de ta face. Qu'il repose en paix. Amen."

Prier pour son âme rendait sa mort plus réel, plus définitive. Elle posa son front fébrile sur ses mains et le Sombral poussa une complainte déchirante.

-"Seigneur, vous qui avez déjà donner le repos éternel à tant de mes proches, par pitié ne me le prenez pas aussi." elle ferma fort les yeux et laissa échapper un sanglot pathétique. "Il a fait de mauvaises choses ici bas, laissez-le se racheter avant de le reprendre, je vous en prie seigneur." Elle eut un râle de douleur. "Il doit encore se racheter auprès de moi, Seigneur je vous en supplie."

Le reste de sa supplication mourut dans sa gorge et elle fut secouée de spasmes, laissant la bouche à demi-ouverte pour laisser ses sanglots s'échapper sans bruit, misérable qu'elle était à cracher sur la mémoire de son défunt géniteur.

-"Rendez-le moi !" hurla-t-elle aux cieux de toutes ses forces.

Et même la lune, sentimentale, se mit à briller plus fort comme pour faire écho à son appel de détresse.

Mais le Seigneur, désireux de ses créations, les laissa toutes deux hurler jusqu'à ce que les poumons d'Alhéna ne puisse plus le supporter et qu'elle se taise, affalée sur le Sombral.

Et Sirius ne lui fut pas rendu.

Parce que ce que le Seigneur prenait, le Seigneur ne le rendait jamais.

Alors elle laissa la créature la bercer, portée par ses grandes ailes qui balayaient l'air d'un bruit doux.

Le Sombral s'arrêta en plein milieu du Ciel et elle fronça légèrement les sourcils, ne comprenant pas pourquoi.

Avant d'avoir un léger sourire amer.

Elle lui avait dit de la ramener à la maison, mais le pauvre ne savait pas où était sa maison.

Parce qu'elle n'en avait pas, de maison. Elle avait beau avoir des dizaines de châteaux aux quatres coins du monde, des manoirs dans toute l'Angleterre, elle n'avait pas de chez elle.

Il venait de s'envoler, parti à jamais.

-"Amène moi au Terrier." Murmura la jeune femme.

Le sombral hocha lentement la tête et continua sa route, la laissant poser son front contre sa nuque et le laver de ses grosses larmes chaudes et avides de manque.

𝑨 𝑩𝒍𝒂𝒄𝒌 𝒔𝒕𝒐𝒓𝒚 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant