Chapitre 56 – Un meilleur ami n'hésitera jamais à planifier un homicide – Samedi 7 décembre 2019 – 20h30 - Benjamin
Benjamin avait hésité à s'engouffrer dans la bouche de métro, préférant au final passer son chemin. Mathias n'en avait rien à faire de sa confession, il n'en aurait sans doute rien à foutre non plus de le savoir décidé d'errer un temps dans les rues plutôt que de rentrer chez lui directement.
Marcher lui ferait le plus grand bien, et il connaissait assez bien le quartier pour ne pas se perdre. Machinalement, il laissa la mémoire musculaire prendre le dessus sur les choix conscients de son trajet. Progressivement, ses foulées s'accélèrent et bien vite, il se met à courir. L'asphalte claquait sèchement sous ses chaussures, et la veste fourrée si généreusement offerte par Mathias le maintenait au chaud. Il accéléra le pas.
Benjamin n'ignorait pas qu'il devait avoir l'air un peu dérangé, à courir ainsi à la nuit tombée, son écharpe et son bonnet obscurcissant son visage. Les personnes sur son passage s'écartent instinctivement.
Sa course le mena à l'entrée d'un parc qu'il avait l'habitude de fréquenter, où il fut accueilli par une porte en ferraille solidement fermée. L'heure était tardive; l'endroit était fermé pour la journée. Benjamin agrippa fermement l'une des barres de fer, le froid mordant sur sa main brûlante le faisant inspirer brusquement alors qu'il reprenait son souffle. Il porta son attention sur la main qui avait fait plus intimement connaissance avec le visage de son nouveau collègue et il grimaça en avisant la coloration marbrée de ses jointures. Il ne s'était pas loupé. Sa kinésithérapeute allait l'étriper.
Il souffla longuement et se laissa tomber sur l'un des bancs qui trônait devant l'entrée du parc. La même phrase tournait en boucle dans sa tête; une affirmation furieuse, dont la cible était à tour de rôle lui-même, puis l'homme qui s'était joué de ses sentiments.
Quel con, mais quel con !
Un rire amer s'échappa de ses lèvres et il soupira longuement pour calmer à la fois son esprit et les battements fous de son cœur. Il avait assez dégusté ce soir pour qu'un passant inquiet ne se décide pas en plus d'appeler les secours face au jeune homme clairement dérangé qu'il était. Ha ! Dérangé. C'était en tout point ce que Mathias avait l'air de penser de lui.
Benjamin enfonça brièvement le dos de sa main meurtrie dans l'orbite de son œil. Un geste agressif, visant à écraser à la source les larmes traîtresses qui menaçaient de couler alors qu'il songeait à la meilleure relation qu'il avait eu depuis des années, et qu'il avait envoyée dans le mur en une dizaine de minutes. Bien joué, Rudolph, vraiment !
Bon sang, maintenant même sa voix intérieure prenait des faux airs de Mathias.
Le rouquin expira longuement et attrapa son téléphone. Bien évidemment, aucune notification de la part de l'avocat. La seule personne qui lui avait écrit était Arnaud. L'étudiant lui avait envoyé une série de messages, goguenards au début, puis glissant dans l'inquiétude à mesure que le temps passait et que Benjamin ne répondait pas. Il effleura l'écran pour répondre, ne sachant trop quoi dire mais souhaitant rassurer son ami avant que ce dernier ne fasse une syncope, et replongea dans ses pensées en essayant de formuler une réponse cohérente.
"Je vois que tu lis mes messages, Benji." Arriva une nouvelle notification, suivie d'une seconde, "Allez, crache le morceau. Sur une échelle de « Il met des ananas sur ses pizzas » à « Il coupe ses spaghettis », à quel point on déteste ton crush ?"
Un rire échappa au pompier. Il se décida enfin à répondre.
"Tu fais ces deux choses, je te rappelle."
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L'incandescent équilibre entre nous
RomanceBenjamin a tout pour être heureux : un métier de rêve, une fiancée aimante et un avenir tout tracé dans sa brigade de sapeurs-pompiers. Mathias, lui, s'est résigné à ne rien attendre de l'avenir : sa vie bien rangée a fait son succès, et c'est très...