L'incandescent équilibre entre nous

Chapitre 60

Chapitre 60 –  Rien qu'une mise au point – Mardi 10 décembre 2019 – 13h30 - Benjamin

Après tant d'émotions, les jours qui précédaient son retour sur le terrain s'écoulaient presque paisiblement. Benjamin avait craint de recevoir un appel de la part de son supérieur direct, lui annonçant que son altercation avec le nouveau lui avait été rapportée, et qu'il l'attendait de pied ferme pour une nouvelle évaluation psychologique avant qu'il puisse reprendre du service.

L'escadron semblait avoir tenu sa langue, car la seule communication qu'il reçu de la part du caporal Fang était un mail informatif, lui détaillant le programme de sa journée de reprise, le félicitant pour son rétablissement et exprimant sa joie de l'accueillir à nouveau dans leur équipe.

Benjamin profita de ses derniers jours de répit pour rendre visite à Harry, toujours hospitalisé. Il s'en voulait de s'être tant perdu dans ses propres problèmes, qu'il en avait oublié de prendre des nouvelles du futur père de famille qui avait eu moins de chance que lui lors de l'explosion. L'homme n'eut heureusement pas l'air de lui en tenir rigueur lorsqu'il se présenta à sa porte, un ours en peluche vêtu d'un uniforme de pompier sous le bras.

Comme prévu, lors de sa visite hebdomadaire chez son ergothérapeute, il s'était fait remonter les bretelles. Pas aussi méchamment qu'il l'avait cru, mais suffisamment pour lui faire passer l'idée de frapper qui que ce soit d'autre avant que son poignet ne soit rétabli. Peut-être même à jamais, s'il lui fallait à nouveau affronter le regard sombre de la femme qui, il en était sûr, avait été à deux doigts de lui lancer un stylo à la tête lorsqu'il s'excusa d'un sourire.

Il grimaça en repensant à leur conversation. Lorsqu'elle lui avait demandé ce qui lui était arrivé, il n'avait rien trouvé de mieux que de répondre qu'il s'agissait d'une pulsion incontrôlée et qu'il n'avait rien pu faire pour la stopper. A en juger par l'air peu impressionné de la femme, elle n'avait pas imaginé le même type de pulsion que la colère qui l'avait saisi. Et dire qu'il avait encore une dizaine de séances avec elle.

A côté de lui, posé sur le coin de la table, son téléphone bipa.

Arnaud venait de lui envoyer une photo du tableau sur lequel griffonnait son enseignant, accompagné d'un : "Je pensais avoir signé pour une école de véto, pas pour un cours de déchiffrage de hiéroglyphes ! C'est quoi ce truc?!". A droite de la photo, il pouvait voir Alice, penchée vers le tableau, avec une concentration intense. Il sourit en tapant une réponse rapide.

A présent que la situation avec Alice était éclaircie, ils échangeaient parfois quelques messages. Un "Comment ça va ?" par ci, un "Passe une bonne journée !" par là. Rien de très intéressant, et bien souvent motivé par un commentaire de passage de leur ami en commun. Le nouveau statu quo de leur relation n'était pas simple à définir, mais ils y travaillaient, petit à petit.

Benjamin savait qu'ils avaient encore beaucoup de choses à se dire. Leur relation était claire pour eux, mais pas pour leurs proches, loin de la confidence. Ils allaient, un jour ou l'autre, devoir informer leurs parents de leur décision. Ce qui promettait d'entraîner une toute nouvelle série de questions dont ni l'un ni l'autre n'avait la réponse pour le moment.

S'ils se séparaient, qu'adviendra-t-il de leur studio ? Alice prévoyait de se rapprocher de l'université et allait sans doute demander à intégrer un logement étudiant. Sans elle, Benjamin ne pourrait pas continuer à se payer son logement actuel. Il allait très vite devoir réfléchir à une solution.

A l'heure actuelle, pourtant, il réfléchissait surtout à ce qui l'attendait, cette fin de semaine. Mathias n'avait pas donné de signe de vie depuis son dernier message, ce qui n'était pas pour le rassurer. L'avocat s'était montré suffisamment vague pour que Benjamin, aussi convaincu qu'il soit de laisser une chance à l'autre homme de s'expliquer, s'imagine une série de scénarios plus tordus les uns que les autres.