Chapitre 42 - Partie 3

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Chapitre 42: Et la lune rêve du soleil - Partie 3 : Le ballet des spectres — Samedi 23 Novembre 2019 – 3h30 — Benjamin

Si Benjamin avait dû dire à quel moment il s'était endormi, il n'aurait pas su répondre. Le sommeil était venu graduellement, l'invitant à ralentir son débit de paroles et à sourire du coin des lèvres en remarquant que Mathias dormait, avachi à côté de lui. La fatigue le rattrapa avant qu'il n'ait l'occasion d'en penser quoi que ce soit, le sommeil le happant avant même qu'il n'eût l'idée d'immortaliser par une photo la rare expression de calme qui se dessinait sur le visage de l'avocat.

La première partie de sa nuit fut des plus banales ; il se souvient avoir fermé les yeux à un moment et les rouvre, groggy, mais contenté, quelque temps plus tard. Une sensation qu'il retrouvait avec délice, après plusieurs soirs à courir après le repos sans jamais l'atteindre. Il aurait d'ailleurs préféré qu'il dur plus longtemps, mais l'aide-soignante qui l'avait houspillé quelques heures plus tôt pour qu'il mange était de retour en force pour sa prise de sang nocturne.

Pour une fois ce n'était pas la voix claire de la soignante qui le sortit de sa rêverie, mais un bruit étrange qu'il ne reconnut pas. Le rouquin ouvrit les yeux, décontenancé, et se retrouva face à face avec le visage jovial de la petite femme qui assurait la surveillance des patients de l'étage. Elle s'appuyait de tout son poids contre une barrière de lit que Benjamin n'avait jamais vu, lui offrant son plus beau sourire.

— J'étais obligé de vous installer ça. Expliqua-t-elle tranquillement, vous débordez.

Benjamin cligna bêtement des yeux, ne comprenant pas à quoi elle voulait en venir. La femme se contenta de gesticuler en direction de sa droite, et Benjamin se rendit soudainement compte du poids qui reposait contre son épaule. Mathias devait être complètement exténué pour ne pas bouger d'un poil malgré l'intrusion de la soignante.

— Qu'est-ce qu'il fait là ?

— Ah ça, c'est à vous de me le dire. Répondit la femme à voix basse, si vous voulez, je peux lui demander de partir.

— Non !

Benjamin prendra le temps de l'introspection plus tard dans la journée pour analyser la vitesse à laquelle sa protestation était arrivée. Mathias était très bien là où il était.

— Je veux dire..., Se rattrapa-t-il, C'est normal d'accepter que les visiteurs restent si longtemps après les heures de visite ?

— Certaines personnes ont le pouvoir de faire plier les normes lorsqu'elles l'estiment nécessaire, répondit-elle, cryptique, Et entre nous, je mets n'importe qui au défi de faire changer d'avis maître Hoang lorsqu'il a une idée en tête.

Un rire léger secoua les épaules de l'aide-soignante, comme si elle venait de raconter une blague particulièrement amusante. Son expression se fit plus sérieuse et elle invita Benjamin à tendre le bras pour qu'elle puisse effectuer la prise de sang qui rythmait ses nuits. Le professionnalisme l'empêcha de grimacer devant le bleu qui se dessinait sur le dos de la main de son patient. À force de piquer le même endroit avec plus ou moins d'instances, les veines se faisaient fuyantes et plus difficiles à piquer.

Le rouquin se laissa faire sans broncher et très vite la femme prit congé. D'autres patients à réveiller, d'autres examens à mener. Ainsi, Benjamin se retrouva à nouveau seul. Ou plutôt, le seul éveillé. Il avait encore du mal à croire que Mathias était resté pour de bon.

Benjamin passa quelques minutes à observer son voisin de lit avec une curiosité mêlée d'un émerveillement mal déguisé. Le visage de l'avocat, qu'il observait peut-être d'un peu trop près pour être parfaitement à l'aise, était détendu dans son sommeil. Ses cheveux tombaient dans ses yeux aux endroits où son chignon avait perdu la bataille avec la gravité. Mathias qui malgré ses vêtements colorés invitait au respect par l'aura froid qui l'entourait, paraissait presque vulnérable. Sans son regard perçant pour endurcir son visage, l'homme paraissait plus jeune, plus épuisé aussi. Comme s'il avait besoin de quelqu'un pour le protéger contre la rudesse de la vie. Quelqu'un comme Benjamin.

L'incandescent équilibre entre nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant