L'incandescent équilibre entre nous

Chapitre 62 - Partie 3

Chapitre 62 – Partie 3 – Nos cœurs à l'unisson – Vendredi 13 décembre 2019 – 16h45 – Benjamin & Mathias

Le rouquin se tut, attendant une intervention de la part de l'avocat. Le silence se fit dans la pièce, tandis que l'homme resta résolument silencieux, aussi immobile qu'une statue de marbre. Benjamin leva les yeux pour s'assurer qu'il l'avait bien écouté, et il le vit jeter un coup d'œil furtif en direction de la porte d'entrée avant de froncer les sourcils.

Se trouvant dans une alcôve, Mathias n'aurait pas eu d'autre choix que de passer devant le rouquin pour sortir de la pièce, et l'idée ne lui plaisait pas le moins du monde à l'heure actuelle. Mathias avait besoin de réfléchir, de faire taire ses pensées qui fourmillaient à présent dans tous les sens, et certainement pas d'être le centre de toute l'attention du jeune homme à l'origine du désordre qui grondait dans son esprit.

Après un court temps de délibération, l'avocat tourna les talons avec une rapidité telle que Benjamin aurait été prêt à parier qu'ils étaient à nouveau sur la glace, et se positionna devant la fenêtre qui se trouvait à l'opposé du rouquin, au bout d'alcôve.

-       Je te jure que je savais pas, Continua Benjamin nerveusement, En tout cas, j'étais pas sûr jusqu'à ce que tu m'envoie une photo. Je... J'ai reconnu tes tatouages.

La posture de Mathias se fit plus rigide qu'elle ne l'était déjà. Ses épaules se soulevèrent et il baissa légèrement la tête, comme pour protéger son cou d'une attaque surprise. Benjamin se mordit l'intérieur de la lèvre : il ne regrettait pas d'avoir pris la décision de tout raconter à Mathias, mais il aurait aimé avoir la même aisance que ce dernier quand il s'agissait d'expliquer des choses compliquées. Il avança précautionneusement jusqu'à lui, s'arrêtant à un bon mètre de son dos. Il tendit la main vers l'épaule de l'avocat avant de se raviser. Il n'était peut-être pas passé expert en déchiffrage du langage corporel, mais il était clair que Mathias cherchait à le tenir loin de lui ; lui tournant le dos et refusant de répondre.

Mathias était physiquement incapable de dire quoi que ce soit. L'horreur de la réalisation passée, une salve de questions se pressaient dans son esprit. Elles se mêlaient et se mélangeaient librement, formant des déblatérations sans queue ni tête. « Qui d'autre est au courant ? Pourquoi tu n'as rien dit ? C'était au moins amusant, de jouer comme ça ? Peut-être que je n'ai que ce que je mérite. » S'il continuait comme ça, elles allaient prendre le dessus sur sa raison. Faire preuve de sentimentalité serait une erreur. Il ne pouvait pas se le permettre.

Plongés dans leurs tourments, aucun d'eux n'entendit la porte bien huilée de la réserve s'ouvrir, signe qu'ils n'étaient plus seuls dans la pièce. Les bruits de pas lestes qui se dirigeaient dans leur direction avant de s'arrêter brusquement furent eux aussi ignorés.

-       Dit quelque chose. Marmonna Benjamin.

-       Tout ce temps, tu–, Mathias secoua la tête, ...Combien ?

La question de Mathias avait été soufflée froidement. Benjamin fronça les sourcils.

-       Combien quoi ?

-       Combien tu veux ?

Une force poussa le rouquin à attraper le bras de Mathias pour tourner vers lui. Comme si saisir physiquement le plus âgé lui permettait de retenir -de rattraper- une situation qui était en train de lui échapper. Les muscles de l'homme étaient tendus, et il tressaillit lorsque la main du plus jeune se posa sur lui. Benjamin relâcha sa prise légère au même instant ou Mathias se déroba pour faire volte-face.

Benjamin avait essayé d'imaginer la réaction de Mathias, tout seul chez lui, alors qu'il pensait à aujourd'hui. Il avait pensé qu'il se mettrait en colère, comme il savait si bien le faire. Ou bien il s'enfuirait, et refuserait tout simplement de lui adresser la parole des jours durant, mue par le besoin de se retrouver seul pour lécher ses blessures, avant de le retrouver pour qu'ils puissent s'expliquer calmement. Dans un monde utopique, Mathias lui aurait dit que lui aussi était au courant.