Chapitre 45 : Retour à la normale, adieu à la norme - Samedi 30 novembre 2019 – 14h30 - Benjamin
Benjamin se tenait, silencieux, debout devant le lit d'Harry. Il aurait pu s'asseoir dans le siège à côté de ce dernier, inhabituellement dénué de celle qui en était presque devenue sa propriétaire tant elle passait son temps à veiller l'homme, mais il s'y défendu. Ludivine serait de retour bien assez vite et il ne comptait pas rester assez longtemps pour la croiser. Il avait juste besoin de s'assurer de ses propres yeux qu'Harry respirait bien de son propre chef, sa poitrine se soulevant avec une régularité rassurante malgré les divers capteurs qui vérifiaient ses fonctions vitales, et l'imposant pansement -presque un masque- qui recouvrait le visage d'Harry là où la brûlure avait été la plus vicieuse.
Le rouquin avait grise mine, contemplant l'homme qui sortait de manière sporadique de son sommeil induit par le cocktail de médicaments qu'on lui injectait chaque jour passant, glissant dans l'inconscience peu de temps après chacun de ses réveils. Harry était sorti du coma, oui, mais il était loin d'être tiré d'affaires. Du moins, pas aussi rapidement que ce que Benjamin aurait souhaité.
- Bon sang M. Desrives, ne quittez pas votre chambre sans nous dire où vous allez ! S'exclama une voix nerveuse qui manqua de faire sursauter Benjamin.
Le pompier détourna son attention du visage de son collègue, découvrant dans l'embrasure de la porte une tête rougie par un savant mélange d'inquiétude et de colère. Le médecin qui assurait son suivi le regardait de travers, ses lunettes rondes qui reposaient à la base de son nez et sa calvitie avancée lui donnant l'air d'un professeur sévère.
- Ah, désolé. Vu que je sors aujourd'hui, je pensais que...
- Vous êtes encore sous notre responsabilité tant que vous n'avez pas signé de décharge, Le coupa l'homme nerveux, Ne disparaissez pas comme ça !
Benjamin renouvela ses excuses alors que le médecin soupira lourdement. Il était à peine quatorze heure et il avait déjà perdu foi en ses patients. Grommelant, l'homme secoua la tête face aux excuses du plus jeune et l'invita à le suivre pour le débriefing de sortie. Une fois arrivés dans la chambre qui avait été son foyer ces derniers jours, le médecin lui répéta pour la deux-centième fois environ la procédure à suivre pour rafraichir ses pansements, les exercices à suivre consciencieusement pour récupérer son entière mobilité, ou encore les dates des différents rendez-vous prévus avec les spécialistes qui l'assisteraient dans sa convalescence.
Benjamin opina silencieusement, connaissant déjà les recommandations par cœur. Il aurait pu se sentir infantilisé d'être traité comme un gamin qui n'avait pas encore acquis la permanence de l'objet, mais il avait lui-même la joie de croiser des adultes particulièrement obtus dans son corps de métier et comprenait donc les précautions prises par le médecin.
- Et surtout, surtout, au moindre souci, vous composez le numéro du...
- Je sais. J'ai compris, oui. Merci. Le coupa le rouquin qui n'était pas sûr de supporter une troisième édition des mêmes instructions.
- Vraiment, monsieur Desrives, si vous sentez que ça ne va pas, n'hésitez absolument pas à...
La sonnerie d'un biper se fit entendre et le médecin attrapa l'appareil pour inspecter le message. Il fronça les sourcils et accrocha l'objet à sa taille avant de lui indiquer en s'excusant qu'il devait prendre congés, non sans répéter une fois de plus que Benjamin ne devait pas hésiter à leur passer un coup de fil en cas de difficulté. L'homme semblait à deux doigts de lui communiquer son numéro de téléphone personnel. Benjamin lui sourit tranquillement et lui assura une fois de plus qu'il allait faire attention.
- D'accord... D'accord, très bien. Je vous laisse avec ma collègue dans ce cas. Elle verra avec vous les différentes formalités administratives.
L'infirmière qui l'avait accompagné pendant une majeure partie de son séjour à l'hôpital passa la porte en compagnie d'Arnaud, venu le chercher, et congédia son supérieur avec l'assurance née de l'expérience. Le médecin lui adressa un sourire étonnement reconnaissant et la femme d'apparence sévère se tourna vers Benjamin, lui adressant un sourire.
- Excusez-le, il n'est pas comme ça d'habitude. Faites attention à vous, monsieur Desrives, Dit-elle avant d'ajouter avec petit air conspirateur, Si vous vous avisez d'être admis à nouveau parce que vous suivez mal nos conseils, monsieur Hoang aura la peau du conseil d'administration de l'hôpital.
- Il... quoi ? Demanda Benjamin bêtement.
La soignante sourit agréablement en lui indiquant du bout des doigts les encarts dans lesquels il devait apposer sa signature.
- Ma profession ne me permet pas de vous souhaiter qu'on se revoit vite, Commenta-t'elle légèrement, Mais si vous avez envie de mettre à genoux tout le corps administratif de notre établissement, revenez la semaine prochaine. Jeudi entre dix et vingt-deux heures de préférence -c'est ma journée de garde-, je ne voudrais pas manquer ce spectacle.
- Merci mais ça ira.
- Dommage. Dit-elle en jetant un œil aux documents qu'il lui avait rendu, Très bien, je vois que tout est en ordre. C'est bon pour vous ?
La question avait été adressée à Arnaud qui n'avait pas pipé mot depuis le début de la conversation.
- Oui, oui. Pas de souci !, Répondit l'étudiant, Je m'occupe de lui !
L'infirmière hocha la tête et s'éclipsa, laissant les deux jeunes hommes seuls.
- La vache, il est effrayant ton copain. Dit lentement Arnaud.
- Mais non.
Arnaud haussa un sourcil mais n'ajouta rien de plus. Il n'en pensait évidemment pas moins, et se promis d'en apprendre plus sur l'avocat qui avait déboulé sans prévenir dans la vie bien rangée de ses amis. Le silence était tombé entre eux, moins léger qu'à son habitude. Arnaud n'avait pas envie de le meubler par une conversation sans queue ni tête, comme à son habitude. Il était un peu gêné de se retrouver là, seul présent pour la sortie d'hôpital de Benjamin. Alice aurait dû être avec eux.
Comme s'il sentait le spectre de la jeune femme absente poser une main glaciale sur son dos, Benjamin s'éclaircit la gorge.
- Hum... Comment va Alice ?
Arnaud haussa les épaules et détourna le regard. Sa voix était posée, mais elle n'avait pas la même jovialité qu'à son habitude.
- J'en sais rien. Bien, je dirais.
- Mais vous passez tous vos cours ensembles.
- Plus depuis la semaine dernière, non. Marmonna Arnaud, Je traine plus avec elle.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
Le brun croisa son regard sans ciller et Benjamin réalisa sa bêtise. Evidemment qu'Alice était en froid avec Arnaud; le jeune homme l'avait défendu, lui, lorsque la discussion avait tourné au vinaigre.
- Merde. Je suis désolé.
- C'est pas grave.
- Et ça va, toi ?
Arnaud esquissa un sourire.
- En vrai c'est pas si mal de ne plus être trainé aux sessions de révision. Confia le jeune homme en attrapant son téléphone dans sa poche, Regarde ce que j'ai pris dans mes filets !
L'étudiant déverrouilla son téléphone et le tourna dans la direction du pompier. Il balaya rapidement l'écran pour trouver la conversation qui l'intéressait, datant de ce matin même, et adressa un grand sourire à son ami. Arnaud avait un rendez-vous de prévu ce soir, avec... un torse sur pattes, apparemment.
- Tu comptes reconnaitre ton prince charmant en publique à ses abdos ? Demanda Benjamin.
- T'en fais pas pour moi, Répondit Arnaud avec un sourire en coin, J'ai d'autres photos de son anatomie auxquelles me fier.
Benjamin éclata de rire.
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16h – Benjamin & Arnaud
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L'incandescent équilibre entre nous
RomanceBenjamin a tout pour être heureux : un métier de rêve, une fiancée aimante et un avenir tout tracé dans sa brigade de sapeurs-pompiers. Mathias, lui, s'est résigné à ne rien attendre de l'avenir : sa vie bien rangée a fait son succès, et c'est très...