𝟒𝟎.

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Je me dirigeai lentement vers mes appartements, chaque pas pesant. Une fois à l'intérieur, je fermai la porte derrière moi, m'isolant dans ma chambre du reste du monde. Le miroir sur la commode me fixait, silencieux, son reflet ne mentant jamais.

Ce n'est pas le moment.

J'entrai dans la salle de bain pour verser de l'eau chaude dans la baignoire et une fois dévêtue, je finis par tomber sur le reflet que j'évitais tant. Les marques du fouet étaient là, sur ma peau, comme des stigmates de ma souffrance. Chaque ligne, chaque cicatrice, portait le poids de mes épreuves, un rappel constant de la cruauté de Cesare et de ma propre impuissance. Je laissai échapper un soupir, mes doigts frôlant les marques douloureuses.

« J'avais tort de vous désobéir. » soupirai-je de crainte. « Pardonnez-moi... » [..] « Althéa... » me prit-il par le menton. « Vous savez la sanction qui vous attend. Je suis désolé. » caressa-t-il ma joue de son pouce. [...] Non. Aurais-je voulu répondre. [...]« Maintenant, comptez avec moi. » chuchota-t-il à l'oreille. [...] Il leva le bras puis d'un mouvement brusque le cuir brûla ma peau, craquant le tissu qui me séparait encore de cet objet immonde. [...]« Un... » respirai-je difficilement. « De... deux... » défilaient les nombres sans fin. [...]« Trente...deux. » joignis-je à nouveau mes mains. Si vous entendez mes pleurs... [...] « Trente...six. » Venez m'aider, Dieu... [...] « Quarante. » [..] Il stoppa tout mouvement. Entendant désormais l'objet traîner au sol, il vint s'accroupir face à moi. « Vous avez l'air d'aller mieux maintenant, Sœurette... » essuya-t-il l'une de mes larmes. « Je suis celui qui vous guide. Celui que Dieu vous a confié... » prit-il mes poignets et desserra ainsi ma prière. Dieu ? Veut-il plutôt dire le Diable ? « Maintenant, remontez vos jupons. »

Avec un effort surhumain, je détournai finalement le regard du miroir, chassant les pensées sombres qui menaçaient de m'engloutir. Je me plongeai dans le bain, l'eau chaude enveloppant mon corps meurtri. Peu à peu, la douleur s'atténua, remplacée par un sentiment de soulagement et de calme. Je fermai les yeux, laissant l'eau apaiser mon esprit tourmenté, au moins pour un court instant.

Il y avait des jours où je vivais comme si ces moments-là n'avaient jamais existé. Et c'était dans les jours comme celui-ci où je me demandais comment j'avais fait pour vivre aussi bien ; comment avais-je fait pour ne pas y penser ? C'était si soudain et toujours aussi inattendu. Mais les faits étaient là: je me sentais affreusement sale. Je m'écœurais, tant mon reflet que mon ombre.

Ce lourd fardeau, à qui en parler après tout ? À personne. Ce n'était pas la réaction des gens que j'appréhendais, je savais que le peuple n'avait que faire des paroles d'une femme, mais c'était la certitude que prendrait ce moment le jour où il traversera mes lèvres. Je voulais encore le croire imaginaire, il m'était impossible de penser le dire, car le jour où je le dirais, il deviendra bel et bien réel. Ce n'est rien... Mais je me sentais souillée. En vain changerais-je de vêtements, me laverais-je jusqu'au sang, altérerais-je ma façon d'être et de penser, la souillure demeurait, immuable, insensible à mes efforts. Les remords dévoraient mon être jusqu'à l'essence même de ma personne. Les regrets, tels des flots impétueux, submergeaient ma conscience dans les profondeurs de l'angoisse, insubstituables, indélébiles, indomptables. Impossible à remplacer, à laver ou à dissimuler.

Une larme solitaire glissa le long de ma joue, se mêlant aux eaux du bain. Combien de temps devrais-je porter cette douleur, cette honte, cette culpabilité ? Combien de temps avant que je ne puisse enfin me libérer de ces chaînes invisibles qui entravent mon esprit et mon âme ? Sortis-je de la baignoire, l'eau ruisselant sur ma peau meurtrie. Je m'approchai machinalement de la commode où reposait une petite bouteille de cognac. Je dévissai le bouchon de la bouteille, laissant échapper un parfum fort et piquant dans l'air. Avec précaution, je versai une petite quantité sur un linge propre, sentant l'odeur âcre envahir mes sens. Puis, d'une main tremblante, j'approchai le tissu imbibé de liquide de ma peau meurtrie. Chaque goutte d'alcool était une brûlure vive, un rappel brutal de ma propre fragilité et de ma propre humanité. Mais je serrai les dents, refusant de laisser la douleur me submerger une fois de plus. Chaque contact avec la peau était une épreuve, mais je m'y accrochai, sachant que c'était là le seul moyen de guérir, ne serait-ce qu'un peu. C'est bon. Me parfumai-je avec un mélange de lavande et de bergamote, cherchant à masquer l'odeur amer de l'alcool. Puis, je choisis une autre robe dans mon armoire, l'enfilant avec lenteur, comme si de rien n'était.

Je suis prête.












𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant