𝟕𝟗.

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Assise sur la terrasse, je m'efforçais de m'intéresser au repas qui s'étalait devant moi, mais en vain. Les fruits frais, le pain encore tiède et les fromages soigneusement sélectionnés semblaient aussi appétissants que de la cendre. Je jouais nerveusement avec ma fourchette, la plongeant distraitement dans une tranche de pastèque sans jamais la porter à mes lèvres. Les événements de la veille ne cessaient de hanter mon esprit, le bruit sec du fouet sur la piste de course résonnant encore dans mes oreilles.

« Althéa, vous sentez-vous bien ? » demanda soudainement Celyan, assis en face de moi.

Je sursautai, arrachée à mes sombres réflexions, et relevai mes iris vers lui, son visage juvénile exprimant une sollicitude sincère. Il n'était encore qu'un enfant, mais son instinct ne le trompait pas. Ne souhaitant pas l'alarmer davantage, je me contraignis à lui sourire.

« Oui, oui, tout va bien ! Je n'ai fait qu'un mauvais rêve, rien de plus. » pris-je machinalement une bouchée du fruit avec lequel j'avais joué.

Celyan me dévisagea un instant, l'air dubitatif.

« Où étiez-vous hier ? Je vous ai cherché partout. »

« Je suis allée à un événement équestre. » tâchai-je de conserver un ton calme.

« Un événement équestre ? » s'étonna-t-il.

Je percevais dans son regard une pointe d'inquiétude, de celles qui naissent d'une connaissance partielle des réalités du monde. Il avait sans doute entendu quelques rumeurs, capté au vol des fragments de conversations que les adultes échangent en pensant que les enfants n'y entendent rien.

« Est-ce que... est-ce que tout s'est bien passé ? Personne ne vous a importunée ? » me fit son hésitation l'effet d'un poignard dans le cœur.

Il était insupportable de devoir mentir à cet enfant que j'aimais tant, mais la vérité était un fardeau trop lourd pour lui.

« Tout s'est déroulé à merveille ! La chaleur était supportable et les dames étaient très charmantes à mon égard. Ne vous inquiétez donc pas pour moi, mon cher. »

Il parut aussitôt rassuré et un sourire illumina de nouveau son visage. Il croqua dans une pomme avec l'enthousiasme qu'il avait perdu l'instant d'avant, puis reprit, sur un ton plus léger:

« Et nos frères, Victor et Cesare, avez-vous eu de leurs nouvelles ? Je me demande bien ce qu'ils deviennent. »

« Non, je n'ai rien entendu de leur part. » haussai-je simplement.

« Même Vicenzo ne me répond plus. » ajouta-t-il, les yeux baissés.

Vicenzo, le plus jeune après Cesare, avait toujours entretenu un lien particulier avec nous, un lien que je craignais de voir s'effilocher avec le temps.

« Moi non plus. » posai-je une main douce sur la sienne, tentant de lui apporter un peu de réconfort. « Il doit sûrement être très occupé ! Vous le connaissez: une fois qu'il a une idée dans la tête on ne lui enlève plus ! Je suis sûre qu'il pense très fort à nous, là où il est. »

« Si seulement pourrions-nous savoir où il est... »

« J'ai peut-être une idée... » me traversa soudainement à l'esprit le moment où j'avais demandé à Benediss d'enquêter sur le Duc Aarden et sur l'école de Celyan. « Attendez-moi ici, je reviens dans un instant. » me levai-je précipitamment.

𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant