𝟓𝟖.

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Le carrosse ralentit et s'arrêta devant les majestueuses grilles du Château Des Dames. Le cocher descendit promptement et vint ouvrir la portière pour m'aider à descendre. Mais alors que mes yeux se posaient sur sa main, rugueuse et calleuse, une vague de dégoût me submergea. L'image des doigts masculins se refermant sur ma peau, exerçant une pression possessive et intrusive, s'imposa à mon esprit. Une nausée monta en moi, serrant ma gorge et nouant mon estomac. Mon corps tout entier se tendit, refusant instinctivement ce contact. Le souvenir de mains brutales et oppressantes réveilla en moi une profonde aversion, presque viscérale, à l'idée même qu'un homme puisse me toucher.

« Je vais me débrouiller seule. »

Le cocher, surpris, retira sa main et recula, me laissant de l'espace pour descendre. Mes mains agrippèrent fermement les bords de la portière, et mes jambes, bien que tremblantes encore par l'angoisse, retrouvèrent une certaine fermeté alors que je touchais le sol pavé. Avançant avec détermination feinte, je pénétrai dans les jardins où se tenait le bal.

Les lieux étaient somptueusement décorés, chaque arbuste et chaque arbre enveloppé de guirlandes lumineuses. Le parfum des fleurs embaumait l'air, créant une atmosphère enchanteresse. Des jongleurs, vêtus de costumes aux couleurs vives, évoluaient avec grâce, faisant virevolter des torches enflammées et des cerceaux dorés. Un peu plus loin, une troupe jouait des airs entraînants, leurs instruments produisant une mélodie envoûtante qui invitait à la danse. Des paons, parés de plumes aux reflets irisés, se pavanaient dans les allées, ajoutant une touche de majesté exotique au décor. Les invités, eux, déambulaient avec élégance, discutant et riant. Les conversations animées se mêlant au doux murmure des fontaines et au chant lointain des musiciens.

Je me frayai un chemin à travers la foule, scrutant attentivement chaque visage souriant, à la recherche de celui du Duc. Enfin, mon regard se posa sur lui, entouré de quelques courtisans. Mon cœur accéléra sa cadence alors que je me rapprochai de lui. Il faut faire bonne impression, sortir le contrat et le déchirer devant lui, en présence de tous. Ma réputation est déjà ternie, je n'ai donc rien à perdre. Pour Aarden, en revanche, les enjeux sont considérables. M'apprêtais-je à provoquer sa disgrâce publique. En anéantissant la seule preuve de notre union, devant l'élite réunie, j'allais anéantir toute possibilité d'accord futur avec lui. C'était la solution la plus efficace et la moins risquée pour moi. Encore une fois... Me rappelai-je de l'époque de mes douze ans, lorsque l'on m'avait promise à mon premier mari. J'avais déchiré le contrat devant mes frères et mon futur époux, mais la société n'avait que faire d'une gamine se donnant en spectacle. Mais aujourd'hui, la situation était différente. Je n'étais plus une enfant impulsive ; j'étais une femme déterminée, prête à tout pour se libérer de ce destin imposé.

Lorsque j'arrivai à sa hauteur, il leva les yeux vers moi, surpris de me voir.

« Ce n'est pas le bon moment... » chuchota-t-il.

« Bien au contraire... » sortis-je le contrat de ma manche, mon mouvement théâtral attirant tous les regards.

Je tenais le parchemin entre mes doigts, chaque seconde augmentant la tension. Les murmures se transformèrent en un brouhaha étouffé, les regards de l'assistance oscillant entre moi et Aarden. Je laissai un sourire froid apparaître sur mes lèvres, savourant le moment où le pouvoir passait entre mes mains.

« Ceci. » levai-je lentement le contrat pour que tous puissent le voir, puis, sans la moindre hésitation, je le déchirai en deux, puis en quatre, les morceaux de parchemin flottant lentement au sol comme des feuilles mortes. « Est tout ce qu'il reste de notre union. Il n'y a plus rien à officialiser. »

𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant