𝟔𝟕.

51 2 0
                                    




Je me réveillai en sursaut, l'esprit embrouillé et le corps engourdi. Une douleur sourde pulsait dans ma tête, et il me fallut quelques instants pour comprendre où je me trouvais. Je suis dans ma chambre, et... Je suis vivante.

La lumière du jour perçait faiblement à travers les rideaux tirés, et une odeur de médicament flottait dans l'air, mêlée à celle des draps propres. À mon chevet, je distinguai vaguement une jeune femme aux cheveux blonds, attachés en deux couettes, portant une robe sombre.

« Sophie... ? » murmurai-je d'une voix grave, chaque mot écorchant ma gorge enflammée.

Je tentai de me redresser légèrement, mais la douleur m'en dissuada immédiatement. Mon corps semblait me trahir, lourd et maladroit.

« Mademoiselle ! Vous êtes réveillée ! » s'exclama-t-elle en se penchant vers moi, ses mains tremblantes posées sur le bord du lit. « Ne bougez pas trop, vous avez besoin de repos. »

« Combien... combien de jours se sont écoulés ? » ravalai-je ma douleur, chaque respiration me rappelant la fumée toxique que j'avais inhalée.

« Quatre jours, Mademoiselle.» répondit-elle doucement.

Quatre jours... Tant de temps perdu.

Je laissai échapper un soupir, pouvant à peine me souvenir des événements qui avaient conduit à cet état.

« Benediss et Elise sont-ils rentrés ? » demandai-je.

« Non, Mademoiselle. Ils ne sont toujours pas revenues. »

J'espère que Celyan se porte bien...

Je fermai les yeux, essayant de remettre de l'ordre dans mes pensées.

À cette période, mes frères sont toujours en voyage d'affaire, quant à ma mère, en voyage curatif, et la situation semble plus chaotique que jamais.

Je pris une profonde inspiration et regardai Sophie droit dans les yeux.

Elle ne doit pas savoir, sinon son état risque de s'empirer.

« Il ne faut pas que ma mère apprenne ce qui s'est passé. Elle ne doit pas savoir. »

« Oui, Madame. Je m'assurerai que personne ne lui en parle. Reposez-vous maintenant, vous avez besoin de reprendre des forces. »

Je détournai les yeux vers la fenêtre, observant les faibles rayons du soleil filtrer à travers les rideaux.

« Merci, Sophie. »

Alors qu'elle s'affairait à remettre de l'ordre dans la chambre, je fermai les yeux à nouveau, laissant l'obscurité me reprendre doucement. Alors que je sombrais à nouveau dans les ténèbres apaisantes du sommeil, un coup discret à la porte me tira de ma torpeur. Sophie, qui rangeait encore quelques affaires, se retourna brusquement, son visage se crispant d'inquiétude. Avant qu'elle n'ait eu le temps de réagir, la porte s'entrouvrit, laissant entrer une silhouette familière: l'intendant du château, un homme robuste au visage sévère, vêtu de son uniforme impeccable. Le bras droit de Victor. Il portait dans ses mains un plateau en argent, sur lequel reposaient plusieurs enveloppes scellées.

« Mademoiselle Borgia, pardonnez l'interruption. » s'inclina-t-il légèrement. « Vous avez reçu des invitations ces derniers jours. J'ai pensé qu'il était préférable de vous les remettre en main propre. »

Je me redressai faiblement dans le lit, la douleur toujours présente mais plus supportable. Sophie se hâta de m'aider, arrangeant les oreillers derrière mon dos pour m'offrir un peu plus de confort.

Il n'y a pas celle de Cesare. Les examinai-je rapidement du regard, soulagée. Alors que je parcourais les invitations, une sensation de malaise s'insinua en moi. Un dîner en l'honneur du dernier succès militaire, un tournoi de chasse, un bal pour célébrer l'anniversaire de la matriarche Lavyuu... Ouvris-je chaque lettre, sentant mon amertume grandir au fur et à mesure de mes lectures. Ces nobles ne cherchaient pas ma compagnie, ils voulaient seulement une nouvelle occasion de se moquer de moi, de « La Belle Sans Merci » ou encore du « Serpent ».

Pour eux, je n'étais qu'un sujet de conversation, un spectacle divertissant, un objet de mépris.

Mais seule une lettre ne semblait pas porter cette aura de malveillance: celle de l'Impératrice, dont le sceau doré resplendissait à la lumière douce de la chambre. Quelles que soient ses intentions, je savais qu'elle n'aurait pas pris la peine de m'écrire pour une raison aussi triviale que la moquerie.

« L'Impératrice... » murmurai-je, incapable de dissimuler ma surprise.

Que peut-elle bien vouloir de moi ?

Puis, à côté de son invitation, se trouvait celle d'un bal masqué, dont le cachet de cire rouge vif en forme de masque éveillait en moi une certaine curiosité.

Un bal masqué... Cela pourrait être l'occasion idéale pour rencontrer un homme, quelqu'un qui pourrait m'apprécier pour ce que je suis, sans les intrigues familiales qui empoisonnent ma vie ? Peut-être même trouverai-je là un moyen d'échapper définitivement à l'influence de Cesare ? Un homme influent qui n'a rien à avoir dans les intrigues familiales et ainsi fuir ? Vint une pensée plus sombre assombrir mon optimisme. Certes, c'est une occasion de me cacher sous un masque, de dissimuler mon identité... Mais qu'en sera-t-il de mes yeux ? Ce violet maudit me trahit à chaque instant, me rend si facilement identifiable.

Je tournai a tête vers le miroir murale de la chambre, me renvoyant l'image d'une femme épuisée, les yeux cernés de fatigue et de stress.

Peu importe où j'irai, on me reconnaîtra toujours à cause de ces maudits iris. Mais je dois tout de même essayer.

« Je n'accepterai que celle de l'Impératrice et celle pour un bal masqué. » déclarai-je en les redéposant sur le plateau d'argent. « Et... Je veux être seule. Que tout le monde sorte. » ordonnai-je d'une voix lasse.

Sophie échangea un regard inquiet avec le sbire de Victor, mais ils obéirent tous deux sans poser de questions. La porte se referma doucement derrière eux, me laissant enfin seule face.








𝐁𝐎𝐑𝐍 𝐓𝐎 𝐃𝐈𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant