Chapitre 42 : La forêt maudite

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Il fallut à Lei Diàn plusieurs jours pour qu'il puisse se remettre de l'épreuve difficile qu'il avait vécue dans son village d'enfance

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Il fallut à Lei Diàn plusieurs jours pour qu'il puisse se remettre de l'épreuve difficile qu'il avait vécue dans son village d'enfance. Il garda le silence longuement, marchant en tête du convoi, plongé dans ses pensées. Longweï respecta son besoin d'isolement et ne lui posa aucune question, et même Shi, dont l'empathie frôlait l'inexistence, ne fit aucune plaisanterie sur son mutisme.

Ce n'est qu'après avoir parcouru trois cents Li, alors qu'ils s'étaient arrêtés pour la nuit à l'orée d'un petit bois, que Lei Diàn ressentit le besoin de tout raconter à son protecteur. Il s'installa à côté de lui, au coin du feu, sans dire le moindre mot. Longweï, qui devait avoir senti son besoin de parler, prit délicatement sa main dans la sienne. Ce geste rassurant donna le courage à Lei Diàn de se lancer et il raconta, sans omettre aucun détail, le déroulé de cette funeste nuit. Il lui rapporta les révélations de son oncle, la manière dont il avait utilisé un poison, et la façon dont, empli de rage, il avait fini par le torturer. Il lui fit aussi part de son dégoût lorsqu'il avait réalisé avoir ôté la vie d'un homme pour la première fois. Longweï l'écouta en silence et ce n'est qu'après que Lei Diàn ait fini son histoire qu'il prit la parole sans émettre le moindre jugement.

— Tuer un homme, qu'importent ses actes, n'est pas quelque chose d'aisé. Il restait qui plus est un membre de ta famille. La vengeance n'a jamais été quelque chose de facile, tu as emprunté une voie difficile.

— C'est le chemin que j'ai choisi, même si celui-ci est éprouvant, j'irai jusqu'au bout. Je n'aurai de repos que lorsque l'âme de Chang Ming Sun brûlera en enfer.

— Alors, lorsque le temps sera venu, je t'offrirai cette opportunité.

Tous deux gardèrent ensuite le silence pendant quelques minutes, puis Longweï posa une question à laquelle il n'avait jamais réfléchi.

— Ta vengeance accomplie. Retourneras-tu vivre à ton village ?

Lei Diàn fut un peu décontenancé par cette interrogation. Il avait dit à son oncle qu'il reviendrait, mais sur le moment, c'était plus par politesse que par réel désir de revenir. Avait-il envie d'y retourner ? Au fond, il savait qu'il préférerait vivre sur le mont, auprès de son dieu. Mais aurait-il sa place là-bas après avoir accompli sa vengeance ? Il ne savait même pas où était réellement sa place.

— Je... je ne sais pas ce que je ferais, hésita-t-il.

Longweï resserra doucement ses doigts autour de ceux de son disciple.

— Sache que si tel est ton souhait, le mont Miwù te sera toujours ouvert.

Lei Diàn ne put empêcher un léger sourire de se dessiner sur ses lèvres. Pouvoir rester aux côtés de Longweï était ce qui lui importait le plus.

Après près de trois semaines de route, ils commencèrent enfin à apercevoir les pics couverts de neige des montagnes du Nord. Ces montagnes majestueuses et imposantes détonnaient énormément avec la forêt noire et lugubre qui s'étendait à ses pieds. La forêt maudite.

Lei Diàn comprit rapidement qu'ils allaient devoir traverser celle-ci pour atteindre les grottes cachées dans les montagnes, et cela ne le réjouissait guère.

Plus ils s'approchaient des lieux, plus le soleil était de moins en moins visible. Un brouillard épais, si similaire à celui du mont, tapissait l'endroit. À l'orée de la forêt, les immenses arbres calcinés donnaient l'impression d'entrer dans un lieu hanté, et même les chevaux, sentant probablement le danger, refusèrent d'avancer.

Ils décidèrent donc de les attacher à proximité et de continuer à pied.

Les arbres noirs, la terre stérile où même les mauvaises herbes ne poussaient plus, ce brouillard épais et les bruits étranges qui résonnaient parfois, tout cela angoissait Lei Diàn.

Shi et Longweï semblaient particulièrement aux aguets et cela le rassurait encore moins. Si même un dieu était sur ses gardes, c'est que cette forêt recelait en son sein de nombreux dangers.

Il espérait vite atteindre les grottes et gardait sa main posée sur l'épée de son père. Il savait, vu son poids, qu'il aurait du mal à la manier, mais avoir cette lame à proximité le tranquillisait un peu et lui donnait un semblant de sécurité.

Dans cette forêt, tout n'était que nuances de gris et noirceur. Le sol, dur comme de la roche, ne produisait pratiquement aucun son et même l'air ambiant paraissait plus frais que dans les plaines. L'endroit était sinistre et le devenait encore plus lorsqu'on connaissait son histoire. Ici avait péri quasiment tout le peuple de l'Est, et il n'aurait pas été étonnant que sous leurs pieds reposent de nombreuses dépouilles.

Aucun animal ne paraissait vivre dans ces bois et même les oiseaux et les insectes avaient l'air d'avoir disparu. Pareil pour les hommes qui avaient, eux aussi, déserté les lieux. Il faut dire que cette forêt avait la réputation d'être hantée, et avec les monstres et démons qui l'habitaient, seul un fou oserait y mettre les pieds. Ce qui, Lei Diàn en était convaincu, devait être leur cas puisqu'ils marchaient en son sein depuis plus d'une heure.

Et dire que mille ans plus tôt cette forêt avait la réputation d'être un lieu verdoyant et fertile.

L'état actuel de l'endroit fit réaliser à Lei Diàn que la folie destructrice de Longweï était loin d'une plaisanterie. Il comprenait pourquoi le dieu et Shi redoutaient tant celle-ci.

Il était parfois difficile de savoir à quoi pensait Longweï, pour autant, vu le visage fermé qu'il affichait actuellement et le léger pincement de ses lèvres, il pouvait aisément imaginer combien cette expédition dans les bois pouvait être pesante pour le dieu. Lei Diàn comprenait sans mal combien Longweï pouvait se sentir coupable.

Shi avait aussi une attitude différente depuis qu'ils étaient entrés dans la forêt maudite. Son habituel visage apathique et blasé avait fait place à des yeux préoccupés et un front soucieux. Ces deux compagnons, tout comme lui, semblaient très peu apprécier cette expédition dans les bois.

Alors qu'ils s'enfonçaient de plus en plus entre les arbres biscornus, Lei Diàn eut l'étrange sensation d'être surveillé. Il regarda tout autour de lui, mais rien ne bougeait. Il se rapprocha donc de Longweï pour lui faire part de ses inquiétudes.

— Maître. Cette forêt est lugubre, et j'ai l'impression que quelqu'un nous observe.

— Parce que c'est fort probablement le cas.

Lei Diàn fixa Longweï, les yeux ronds. Le dieu avait prononcé cette phrase avec calme, alors que pour lui, cette information était tout ce qu'il y avait de plus affolant.

— Ne t'inquiète pas. En ces lieux résidents des monstres et des démons que, même moi, je ne souhaite pas rencontrer, mais ceux qui nous entourent ne sont pas à craindre pour le moment.

— Il ne risque pas de nous attaquer ? paniqua Lei Diàn.

— Ils ont dû sentir ma puissance, et malgré leur malice, ils sont loin d'être suicidaires. Ils se contenteront de nous observer, espérant que nous ferons un faux pas qui nous mettra dans une position de faiblesse. Ce n'est que là que nous risquerons d'être en danger.

Lei Diàn supplia intérieurement tous les dieux de rapidement sortir d'ici.

Il fut parcouru d'un soulagement sans nom quand, après plusieurs heures de marche, le brouillard se dissipa et qu'ils virent enfin sur le flanc des montagnes, les fameuses grottes qu'ils cherchaient.

Le Dragon de FuméesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant