Partie 3
Il faisait encore nuit lorsque Lei Diàn se réveilla, mais malgré l'heure matinale, il put se lever sans aucune difficulté. Après cinq ans passés auprès du clan Bigwen, il avait pris l'habitude de se lever tôt. Il faut dire que les règles du clan étaient des plus strictes et que leurs journées rimaient avec rigueur. Les étudiants se pliaient à un rythme soutenu, et il n'était pas rare qu'ils enchaînent les courtes nuits. Et Lei Diàn, bien qu'il ne soit plus l'un d'entre eux, n'avait pas perdu le pli.
Cela faisait plusieurs mois qu'il était devenu un maître des poisons.
Ses débuts, quatre ans plus tôt, avaient été difficiles. L'académie du clan Bigwen acceptait les élèves de tout âge et de toutes origines, mais rejoindre ses rangs à vingt ans, alors que la majorité des étudiants commençaient leur enseignement vers les dix ans, présentait un sérieux désavantage.
Cependant, Lei Diàn avait réussi à rattraper son retard et à surprendre l'ensemble du corps enseignant. En à peine quatre ans, il avait fini l'intégralité du programme et avait même surpassé tous ceux de son âge. À tout juste vingt-quatre ans, il était devenu l'un des plus jeunes maîtres de l'académie et pouvait enfin quitter les bancs de l'école.
Devenir un maître du clan Bigwen apportait son lot d'avantages. Outre le fait de recevoir un pécule mensuel, une chambre individuelle et un petit atelier, il avait également accès à toutes les structures de recherche que comptait la ville.
Jardins, bibliothèque, laboratoire lui étaient accessibles sans aucune restriction.
En tant que Maître il pouvait aussi choisir librement comment organiser son temps et ses activités. Certains de ses confrères avaient choisi de faire commerce de leurs services ou de leurs compétences et quelques-uns avaient même fait fortune. Zeng An un expert en joaillerie qui vendait à prix d'or ses œuvres et Yu Zhou Cai un maître en divination qui offrait aux nobles, en échange de généreux émoluments, des prédictions, étaient le parfait exemple.
D'autres maîtres optaient pour la voie de la recherche et du perfectionnement de leur art. C'était une occupation bien moins rentable et plus ardue, mais c'était à ce second groupe qu'appartenait Lei Diàn.
Fin prêt pour débuter sa journée, il récupéra la sacoche en cuir qui l'accompagnait maintenant depuis quatre ans et sortit de chez lui.
Le lieu de vie du clan Bigwen se composait d'une grande cité entourant un lac aux eaux claires, le lac Qing Che. La ville était belle et propre, mais également particulièrement uniforme. Les rues étaient toutes de dimensions similaires et les habitations de formes et de teintes identiques. L'architecture de la ville dégageait une certaine aura d'ordre et de simplicité, à l'image des préceptes du clan. Néanmoins, les lieux ne manquaient ni de richesses ni de prestige. Les sages de tout le pays résidaient ici et même l'empereur avait étudié entre les murs de la cité.
Malgré toute cette homogénéité, un bâtiment sortait du lot. La bibliothèque de la ville, imposante et luxueuse, attirait tous les regards.
La première fois qu'il y avait mis les pieds, il avait été subjugué et même maintenant, alors qu'il avait probablement passé des milliers d'heures en son sein, il restait toujours fasciné.
De par ses dimensions et sa composition somptueuse, elle lui rappelait le temple de Longweï qui se trouvait dans la capitale.
Turquoise, or et vermillon étaient les couleurs dominantes d'un édifice qui frisait la perfection. Des murs solides et droits, des poutres gravées avec soin et aucun accroc sur les tentures. L'entrée, si large qu'elle pouvait laisser s'engouffrer une foule, était entourée de deux immenses statues des fondateurs de l'académie.
L'intérieur était aussi beau que l'extérieur. La pièce principale, circulaire et démesurée, était remplie d'étagères et de tables de travail. À l'étage, des balcons tout autant envahis de rouleaux surplombaient le rez-de-chaussée.
La bibliothèque regroupait la plupart des recueils du pays. Elle était séparée en deux niveaux, celui inférieur, accessible à tous, et le supérieur réservé aux maîtres. C'était dans celui-ci que se trouvaient les livres les plus rares et les plus complexes.
Il était tôt, mais les lieux étaient déjà bien fréquentés. Certains, comme lui, s'étaient levés de bonne heure, d'autres n'avaient probablement même pas dormi de la nuit.
Lei Diàn se rendit directement à l'étage, jusqu'à la section qu'il connaissait pratiquement par cœur, réservée aux élixirs et aux poisons.
Il récupéra quelques rouleaux et descendit à l'étage inférieur. Il s'enfonça entre les rangées de livres et s'installa sur un bureau situé tout au fond de la bibliothèque. Il passait tellement de temps ici que cette petite table, à l'abri de la foule, était devenue son lieu de travail attitré. Au point même qu'il laissait parfois certaines de ses affaires posées sur celle-ci plusieurs jours durant sans qu'elles ne soient retirées ou dérangées.
Il s'assit à sa place et plongea immédiatement dans ses livres.
Comme à son habitude, il fut happé par sa lecture. Perdu à déchiffrer les pages noircies du recueil, il ne remarqua même pas qu'un homme s'était installé face à lui. Ce n'est que lorsque celui-ci poussa délicatement vers lui un bol rempli de riz que Lei Diàn leva les yeux.
En face de lui se tenait un jeune homme tout souriant. Ce dernier se nommait Zhu Yanlin, il arborait des traits fins et un visage agréable et étudiait, comme lui, les poisons. Ils s'étaient connus lorsque Lei Diàn avait intégré l'académie et étaient devenus, depuis plusieurs années, des amis proches.
— Toujours plongé dans ton travail ? Je suis prêt à parier que tu n'as même pas déjeuné.
Lei Diàn hocha la tête pour confirmer et tendit la main vers le bol. Zhu Yanlin le connaissait bien.
— Tu es là depuis longtemps ? l'interrogea Lei Diàn entre deux bouchées de riz.
— Quelques minutes. Tu étais si concentré que tu ne m'as pas remarqué. Tu recherches toujours la moindre information sur le Shaoshang ?
Lei Diàn confirma.
— Je ne comprends pas ta lubie. Ce poison n'est probablement qu'un mythe. Pourquoi rester bloqué sur la recherche de celui-ci, alors que tu pourrais utiliser ton talent pour développer tes propres élixirs ?
Lei Dian ne put retenir un léger sourire. Ils avaient eu cette conversation des dizaines de fois. Zhu Yanlin ne pouvait pas comprendre pourquoi il faisait une fixette sur ce poison et lui ne pouvait pas lui avouer avoir eu entre ses mains le dernier échantillon existant.
Il pouvait encore moins partager avec lui son objectif final. Trouver la recette du Shaoshang et tuer avec ce poison Chang Ming Su.
C'était pour lui une belle revanche que de pouvoir accomplir sa vengeance grâce à celui-ci.
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On a dépassé les 10 000 vues ! Merci à tous les lecteurs. Pour l'occasion je vous partage une petite illustration de Lei Diàn :)
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Le Dragon de Fumées
FantasyLei Diàn est animé par une seule obsession : se venger de l'empereur qui a détruit sa vie, Chang Ming Sun. Afin de pouvoir s'approcher de l'empereur et tenter de l'assassiner, il décide de se travestir et de prendre la place de sa sœur, destinée à...