Chapitre 85 : Préparations Sacrificielles

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Lorsque Lei Diàn se réveilla, ouvrir les yeux fut difficile, tant ses paupières étaient gonflées par les larmes qu'il avait versées plus tôt

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Lorsque Lei Diàn se réveilla, ouvrir les yeux fut difficile, tant ses paupières étaient gonflées par les larmes qu'il avait versées plus tôt. La petite bougie allumée la veille était affaiblie, et la chambre était plongée dans la pénombre. Il était blotti contre le dieu qui dormait à ses côtés, le bras de celui-ci l'entourant d'une manière possessive. Le fait que ce dernier se soit assoupi ne l'étonna pas. Longweï était à un tel niveau d'épuisement qu'il ne pouvait désormais plus échapper au sommeil.

Ils avaient pleuré ensemble, se tenant l'un l'autre, pendant un long moment. Leurs adieux avaient été déchirants, et ils avaient fini par s'endormir, complètement engourdis par leurs émotions.

Lei Diàn repoussa délicatement le bras qui l'enserrait et s'assit sur le lit. Son dieu ne bougea pas d'un pouce, épuisé par l'énorme quantité d'énergie nécessaire pour maintenir son sceau. Il contempla l'être qu'il aimait avec un regard empreint de tendresse. Son visage parfait, encadré par sa longue chevelure noire, était détendu, sa respiration régulière et profonde. Lei Diàn était comblé d'amour. Il avait pu partager ses sentiments, et sa divinité les lui avait rendus. Longweï lui avait fait l'amour, et son parfum imprégnait toujours son corps. Il se sentait désormais serein, prêt à accomplir son dernier acte.

Il se pencha, glissant ses doigts dans les douces mèches de cheveux de Longweï, puis déposa un baiser sur son front. Une larme roula silencieusement sur sa joue tandis qu'il se levait discrètement et quittait la chambre. À l'extérieur du pavillon, le silence régnait. Les Ombres, au petit jour, avaient disparu comme toujours. Lei Diàn se dirigea directement vers son atelier. Briser un sacrifice ne se faisait pas sans une préparation préalable et quelques outils.

L'immense bibliothèque de Longweï abritait une multitude de livres couvrant divers sujets, allant de la cuisine à l'histoire, en passant même par les arts de la guerre. Trouver un rouleau expliquant les étapes pour rompre un maléfice ne fut pas difficile pour Lei Diàn. Cela reposait sur trois éléments indissociables : une parcelle de l'être maudit, un connecteur et un prix à payer, variable en fonction de chaque malédiction. Dans son cas particulier, ce prix était le sacrifice de sa propre vie.

Lei Diàn déroula sur le grand plan de travail de son atelier un rouleau de papier couvert de signes et de sceaux. Ceux-ci constituaient les éléments d'un talisman qui servirait de lien. Il devait les inscrire sur son propre corps pour s'assurer que son sacrifice ait un sens et une utilité. Ensuite, il prit un bol, un couteau et un pinceau fin, puis sortit d'un petit sachet en tissu quelques cheveux de Longweï, collectés au fil des jours à l'insu de la divinité. Il commença à les tailler en petits morceaux, puis les plaça dans la coupelle en bois.

Il retira le haut de sa tunique, révélant son torse, et se saisit du couteau. Il tendit l'un de ses avant-bras et fit glisser la lame sur sa peau. Son sang perla immédiatement, s'écoulant lentement dans le bol. Le liquide rejoignit les cheveux et s'y mêla. Il banda ensuite sa plaie et plongea le pinceau dans le mélange rougeâtre. Il observa attentivement les caractères qui composaient le sortilège et s'efforça de les reproduire sur son torse avec le plus de précision possible. Il n'avait jamais lancé de sort ni même utilisé de magie, ce genre d'art lui était totalement inconnu. Heureusement, il s'était entraîné à plusieurs reprises à les tracer, sa main était donc assurée alors qu'il dessinait les multiples signes. Il aurait pu utiliser de l'encre pour cette tâche, mais le sang rendait les résultats plus fiables. Il voulait mettre toutes les chances de son côté, car il ne disposait que d'une seule opportunité.

En attendant que le sang sèche sur sa peau, il s'attela à la seconde étape de son plan. Il se dirigea vers l'immense cabinet en bois sombre où il rangeait ses créations et en sortit un petit coffre en métal. À l'intérieur, se trouvait un unique flacon en porcelaine. Il l'ouvrit, laissant s'échapper un parfum fruité. Le liquide, transparent et sirupeux, semblait inoffensif en apparence, cependant, cela était loin d'être le cas. Lei Diàn, en tant que maître des poisons, s'était passionné pour un type bien spécifique d'élixir : les létaux, et celui qu'il tenait entre ses mains était l'une de ses meilleures créations. Un poison qui causait une mort lente, mais néanmoins indolore.
Après avoir ingéré ce liquide, le cœur ralentissait progressivement, au point que ce ralentissement devenait pratiquement imperceptible et ne provoquait qu'une fatigue de plus en plus prégnante. Cela durait environ deux heures avant que la personne ne s'endorme simplement, et que son cœur finisse finalement par cesser de battre. En trois heures maximum, tout était terminé.

La main de Lei Diàn, qui tenait le flacon, tremblait légèrement. Arrivé au moment fatidique, sa détermination vacillait, et la peur le submergeait. Il prit de profondes inspirations à plusieurs reprises pour se calmer, serra fermement le contenant dans sa main, puis le porta précipitamment à sa bouche, ne lui laissant pas le temps d'hésiter. Le liquide s'écoula lentement dans sa gorge, et il l'ingéra jusqu'à la dernière goutte. Il reposa ensuite la fiole sur sa table, le regard perdu. C'était fait, il ne pouvait à présent plus faire marche arrière.

C'était désormais l'heure de mettre un point final à son plan. Son talisman étant sec, il se rhabilla, récupéra la lettre qu'il avait rédigée pour Longweï après de nombreuses difficultés, puis quitta son atelier. Il avait prévu de retourner se coucher auprès du dieu. La perspective de la mort ne l'effrayait pas, mais le rendait terriblement triste, et il voulait passer ses derniers instants dans l'étreinte chaleureuse de l'être qu'il aimait tant. C'était sa dernière volonté.

L'aube commençait à peine à se lever, et les faibles rayons du soleil couvraient le hameau et sa forêt environnante de nuances rosées. Lei Diàn marchait en direction du pavillon, profitant de son ultime moment dans ces lieux qu'il avait considérés avec tant de plaisir comme son chez-soi.

La douce sérénité du hameau fut brusquement rompue par un puissant et plaintif grognement qui résonna à travers toute la montagne. Une seule chose pouvait provoquer un cri si puissant en ces lieux, et le fait que ce soit un hurlement de douleur n'annonçait rien de bon. Lei Diàn observa attentivement la forêt environnante, l'oreille aux aguets. Le silence était revenu.

Il s'interrogea. Qu'est-ce qui avait pu causer une telle douleur au Nian ? Son rythme cardiaque s'accéléra, il avait un mauvais pressentiment. Soudain, une nuée d'oiseaux s'envola à proximité, et un sifflement retentit. Quelque chose venait d'être projeté depuis la forêt et se dirigeait droit vers lui. Lei Diàn fit plusieurs pas en arrière avant que l'énorme objet n'éclate sur le sol à quelques mètres de lui dans une projection de morceaux et de liquide. Lei Diàn essuya son visage couvert d'une texture visqueuse avec sa manche. Sa tunique était désormais maculée de taches qui ressemblaient fortement à du sang. Il releva lentement les yeux, et son souffle se bloqua dans sa gorge lorsqu'il vit ce qui venait d'atterrir devant lui. Sur les pavés gris du hameau se trouvaient à présent les restes d'une tête énorme qui avait autrefois appartenu au Nian. La peur le saisit tandis qu'un grondement et le cliquetis du métal s'amplifiaient en provenance des bois. Il était pétrifié et perdu, fixant avec désespoir la forêt lorsque les premières silhouettes apparurent. Des créatures abominables qu'il ne connaissait que trop bien émergeaient des bois.

Des démons.

Le Dragon de FuméesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant